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Grand Angle

Maroc : Le lupus, une maladie auto-immune à prévalence féminine

Le lupus affecterait plus de 5 millions de personnes dans le monde et au moins entre 15 à 20 000 individus au Maroc, selon Khadija Moussayer, présidente de l'association marocaine des maladies auto-immunes et systémique (AMMAIS). Cette maladie auto-immune reste plus fréquente et plus sévère chez les personnes d’origine africaine, asiatique et sud-américaine. Le point sur une maladie chronique qui affecte plus de femmes que d'hommes. 

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9/10 des patients atteints de lupus sont des femmes. / DR
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Appelée également lupus érythémateux aigu disséminée (LEAD), le lupus est une maladie inflammatoire chronique. Un dérèglement du système immunitaire est à l’origine de lésions caractérisant cette maladie et qui restent susceptibles de toucher gravement tous les organes (peau, reins, cœur, poumons, cerveau). Une forme seulement cutanée et bénigne de la maladie existe également.

Qu’en est-il donc de de la prévalence de cette maladie ? Elle est de «2 à 15% pour 1 000 personnes, selon les ethnies», nous répond le Professeur Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie. Elle nous explique que le début de la pathologie avant 16 ans est estimé de 10 à 15 % des cas et que le lupus pédiatrique est souvent plus sévère avec des atteintes rénales fréquentes. 

Sur 10 personnes touchées, neuf sont des femmes

Sur 10 personnes touchées par le lupus, neuf sont des femmes, avec un pic de fréquence entre 20 et 30 ans, poursuit notre interlocutrice. Le médecin souligne aussi que «le lupus cause des avortements à répétition et des problèmes de fertilité». Et de la présidente de l'association marocaine des maladies auto-immunes et systémique (AMMAIS) d’avertir qu’«une grossesse chez une femme atteinte de lupus s’avère dangereuse si elle n’est pas bien gérée».

«Les complications possibles pour la mère peuvent même engager son pronostic vital ainsi que les risques d’un lupus néonatal pour l’enfant. On meurt encore de cette maladie au Maroc.»

Comme toutes les maladies auto-immunes, le lupus est multifactoriel avec une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux. La prévalence chez les femmes, précise le médecin, revient aux hormones sexuelles qui la protègent mieux des infections. Etant plus complexe, le système immunitaire de la femme s’avère plus susceptible à se dérégler, nous explique-t-elle, avant de souligner que dans ces cas, «l’un des deux chromosomes X ne fonctionne pas correctement».

Une troisième hypothèse est un «microchimérisme fœtal», que la spécialiste définit comme l’ensemble des trafics cellulaires entre la mère et le fœtus. Ce facteur surgit lorsque des cellules du fœtus restent dans le corps de la mère pendant très longtemps. «Le système immunitaire, détectant ces cellules comme corps étrangers dans la moelle osseuse ou dans les tissus, les attaque et commet des dégâts au niveau des cellules de la mère», conclut-elle.

Plus de symptômes cutanés

Le lupus est caractérisé par une photosensibilité se manifestant par des rougeurs qui se développent en lésions et ulcérations au niveau du visage. Ces lésions et ulcérations prennent la forme d’un loup, d’où l’origine de l’appellation. Le lupus survient également au niveau des parties décolletées les mains en l’occurrence.

Si 80% des symptômes sont cutanés, une atteinte articulaire sous forme d’arthrite peut se manifester avec un gonflement au niveau des mains ressemblant à la polyarthrite rhumatoïde mais ne détruisant pas les articulations. Le principal risque, ajoute la spécialiste, est une attaque rénale (une inflammation au niveau des reins) qui peut ne pas répondre au traitement immunosuppresseur. 

Il peut également y avoir un syndrome de Raynaud qui est un trouble de la microcirculation au niveau des extrémités. Ces dernières deviennent blanches, puis bleues puis rouges à l’exposition au froid.

Traitement et prise en charge

Le traitement du lupus repose sur l’hydroxychloroquine (Plaquenil, un antipaludique utilisé pour réduire l'inflammation), qui demande une surveillance annuelle des yeux à cause d’un risque de rétinopathie (les vaisseaux sanguins fins de la rétine laissant s'écouler du sang ou des fluides). Non disponible au Maroc, c’est le Nivaquine qui le remplace, une molécule encore plus toxique pour les yeux, estime Khadija Moussayer.

Le traitement central peut devenir insuffisant en cas de poussées. Selon leur intensité, il faut ajouter un anti-inflammatoire, la cortisone le plus souvent, et des immunosuppresseurs (principalement : azathiopine, cyclophosphamide, mycophenolate mofétil). La grande nouveauté thérapeutique est l’autorisation récente du Belimubab en Europe qui se présente comme étant la première biothérapie spécifique pour le lupus.  

La prise en charge du lupus a fait d’énormes progrès ces dernières décennies. En France par exemple, le taux de survie à 5 ans pour le lupus était inférieur à 50 % en 1955 alors qu’il est supérieur à 90 % actuellement. Pour le Maroc, le manque de moyens continue de peser sur les personnes atteintes de cette maladie. «Au Maroc, d’énormes progrès restent cependant à faire du fait de diagnostics encore tardifs, principalement par manque de moyens des personnes atteintes», regrette notre interlocutrice.

L’éducation thérapeutique est un élément primordial de la bonne prise en charge de la maladie. Elle porte en particulier sur la contraception puisque les «pilules» classiques oestroprogestatives sont déconseillées au profit des progestatifs.

Pour conclure, Khadija Moussayer ne manque pas de donner quelques conseils. L'usage du tabac est aussi nocif pour les personnes atteintes du lupus, puisqu’il interfère avec l’efficacité de l’hydroxychloroquine, alors que les patients doivent éviter de s'exposer au soleil. La présidente de l'AMMAIS souligne également la nécessité d’un régime pauvre en sel et limité en glucides en cas de corticothérapie. 

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