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Interview

Mustapha Znaidi : L'abolition de la peine de mort est une question « politique par excellence »

La décision d'arrêt de l'exécution de la peine de mort à l'échelle internationale a fait l’objet d’un vote, lundi 19 décembre dernier, à l’Assemblée générale des Nations Unies. Une séance durant laquelle le Maroc s’est abstenu du vote pour la 6ème fois. Une position critiquée ce lundi par la Coalition marocaine contre la peine de mort, qui s’est fendu d’un communiqué parvenu à Yabildi. Mustapha Znaidi, son coordinateur adjoint et secrétaire général de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH) apporte plus de précisions sur l’absentéisme du Maroc lors de ladite séance. Entretien.

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Photo d'illustration. / Sputniknews
Temps de lecture: 3'

Pourquoi le Maroc s’est abstenu du vote du 19 décembre dernier et quelles en sont, selon vous, les raisons ? 

La Coalition marocaine contre la peine de mort (CMCPM) considère que le Maroc devait voter en faveur de la résolution onusienne appelant à l’instauration d’un moratoire universel sur les exécutions de la peine de mort. Pour nous, de multiples raisons pertinentes et logiques militent à la faveur d’une telle décision. Elles sont d’ordre conventionnel international, constitutionnel, civilisationnel, et culturel. Elles sont également liées au respect des recommandations judicieuses de l’Instance équité et réconciliation (IER) et à la réalité de fait vécu par le pays depuis septembre 1993, année de la dernière exécution.

Ces raisons ont été détaillées dans notre mémorandum de plaidoyer adressé aux autorités concernées, dont les partis politiques, groupes parlementaires, MAEC (ministère des Affaires étrangères et de la coopération, ndlr), Chef du gouvernement, DIDH (délégation interministérielle aux droits de l’homme, ndlr) et aussi le CNDH (Conseil national des droits de l’Homme, ndlr). Le Maroc s’est mis de nouveau dans une situation contradictoire suscitant des interrogations et craintes. C’est à lui de s’expliquer sur le pourquoi de ce vote abstentionniste depuis 2007.

Comment peut-on lire cet absentéisme à l'échelle nationale et internationale ?

Ce vote ne répond pas aux attentes du mouvement de défense des droits de l’Homme nationalement et internationalement et des amis partenaires du Maroc. Celui-ci bénéficie du statut avancé de la part de l’Union européenne et du partenaire pour la démocratie auprès du Conseil de l’Europe. Il s’est engagé d’avancer en matière de démocratisation et des droits de l’Homme et du «partage des valeurs».

C’est aussi une sourde oreille aux nombreuses recommandations émanant des instances conventionnelles onusiennes de droits de l’Homme dont le Comité des droits de l’Homme qui a invité le Maroc en octobre dernier , à «officialiser le moratoire»  sur les exécutions, en vigueur depuis déjà 23 ans.

Cette actualité vous découragera-t-elle ?

La CMCPM va continuer sa lutte quotidienne pour amener notre pays à se débarrasser de cette peine cruelle, inhumaine, vindicative, qui n’a plus de place dans le monde d’aujourd’hui. Certainement, nous aurons l’occasion de s’adresser au moment opportun au nouvel exécutif. Notre lutte couvre plusieurs domaines et prévoit des actions de sensibilisation, d’information, de mobilisation et de débat avec les acteurs clés de la société marocaine, dont les professionnels de l’appareil judicaire bien évidemment. De même, nous attendons avec grande impatience la mise en place de la Cour constitutionnelle, pour ouvrir un nouveau front de notre combat pour dénoncer l’inconstitutionnalité de la peine de mort.

Que faut-il envisager, selon vous, pour plus de mobilisation quant à cette question ?  

Il faut intensifier notre lutte pour entretenir les débats sur cette thématique afin qu’elle devienne prédominante sur l’ordre du jour de la société marocaine. Mais il faut qu’on soit bien d’accord : la question de l’abolition de la peine de mort est politique par excellence. Elle nécessite une décision courageuse en phase avec l’essence de notre Constitution et avec les engagements nationaux et internationaux de notre pays. L’abolition de la peine de mort, ou du moins l’officialision du moratoire de fait sur les exécutions, sera un signal politique fort à l’adresse de la communauté internationale de ne pas recourir à l’application de la peine de mort.

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