Yabiladi.com : Les jeunes du 20 février peuvent-il participer à la réforme constitutionnelle en cours ?
Kamal Lahbib : C’est un droit et un devoir de tout citoyen et citoyenne de participer au chantier de la réforme de la loi suprême de la nation et les jeunes encore plus. Etant donné qu’il s’agit là d’un texte qui va encadrer la vie de toute une génération.
Quel contenu auront-ils à proposer, et surtout comment le structurer ?
Nous ne sommes pas face à un contenu mais bien face à plusieurs contenus qui doivent être confrontés dans les débats. Et les jeunes doivent choisir à un moment ou un autre de se positionner de manière claire sur le projet de société qui va donner l’ossature et l’âme de la prochaine constitution. Je pense qu’une fois que les choix structurants sont faits, le reste est plus facile à gérer et le pays aura certainement besoin d’expertise des constitutionnalistes pour les formulations et la structuration du texte.
Lors des journées pédagogiques organisées le week end dernier (12-13 mars) à Bouznika, beaucoup de différences sont apparues entre les jeunes. Cela montre-t-il que les bases d'un débat sur les réformes constitutionnelles ne sont pas encore existantes ?
Heureusement qu’il y a des clivages et des différences dans les positions. Ce qui donne une richesse même si cela rend la tâche du débat plus difficile. C’est d’autant plus difficile que les jeunes sont pour une bonne partie davantage sur l’expression de la colère et du passionnel, ce qui se traduit par des slogans plus ou moins enflammés et laisse peu de place au débats de fond et l’élaboration de propositions. Le mouvement est à ses débuts, il faut garder l’optimisme tant que les enjeux de pouvoirs des groupes partisans ne s’en mêlent pas et laissent fleurir ce mouvement en toute indépendance qui est une véritable école de citoyenneté.
Est-ce au niveau national également, les différentes entités concernées dans ce débat vous semblent prêtes à faire des propositions concrètes pour la réforme en cours ?
La réforme constitutionnelle est inévitable et c’est un passage obligé pour structurer le projet de société démocratique à laquelle nous aspirons. Mais force est de constater que les mouvements, autres que le mouvement du 20 février dans sa diversité, ont des problèmes plus urgents (logement, travail, accès aux services publics, aux soins, à l’égalité de tous devant la loi, l’accès à l’école…) mais qui ne trouveront leur réelle solution que dans un système politique rénové et plus juste.
Les partis, et les partis de gauche particulièrement, ainsi que ces forces silencieuses de l’élite qui s’est pendant longtemps cantonnée dans les critiques de salon, devraient considérer le moment comme une forte opportunité pour contribuer aux débats et à la formulation de propositions.
Comment est-ce qu'il faudrait amorcer un débat constructif sur la constitution au niveau national ? Une campagne de communication... ?
Le mot est lâché, nous avons besoin d’un débat constructif, au-delà des slogans, un débat serein, pacifique et qui respecte la diversité et la différence. Nous avons besoin de puiser dans notre histoire pour prémunir l’avenir. Nous avons besoin de construire la confiance, d’éduquer à la citoyenneté, la participation, la responsabilité, et aux valeurs démocratiques qui nous font tant défaut à tous les niveaux : Etat, partis, syndicats, famille, école…, sans quoi aucun projet constitutionnel, même le plus avancé, ne trouvera écho sur le terrain social. Il s’agit d’ouvrir tous les espaces pour la libre confrontation des idées : les médias publics en premier lieu, la presse, les espaces publics…