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Grand Angle

Les Subsahariens régularisés au Maroc sont plus éduqués que les Marocains

L’étude «Les migrants subsahariens au Maroc : enjeux d’une migration de résidence» a été publiée le 30 novembre dernier. Loin des clichés de clandestins fuyant la misère, elle révèle que les Subsahariens régularisés en 2014 sont de jeunes hommes actifs et éduqués déçus par leur travail au Maroc.

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(Ceuta, le 9 décembre 2016.) L'image de la misère des campements sauvages aux frontières de Ceuta et Melilla a participé a éloigner la perception de cette population de sa réalité. / Ph. Antonio Sempere, AFP
Temps de lecture: 4'

Les migrants seraient pauvres, chassés de leur pays par la misère et la guerre, et rentreraient illégalement au Maroc au terme d’un long et périlleux voyage dans l’espoir de regagner l'Europe. Les idées les plus répandues sur les Subsahariens qui vivent au Maroc sont résolument fausses, révèle une étude réalisée par quatre chercheurs pour la Fondation Konrad Adenauer (KAS), en collaboration avec l’Université internationale de Rabat.

Dans «Les migrants subsahariens au Maroc : enjeux d’une migration de résidence», publiée le 30 novembre dernier, Fouzi Mourji, Jean-Noël Ferrié, Saadia Radi et Mehdi Alioua soulignent qu'en moyenne, les Subsahariens régularisés ne sont pas restés au Maroc faute d'avoir pu rejoindre le Vieux continent, contrairement à ce que l’on pensait jusque-là, mais bel et bien parce qu’ils ont choisi, dès le départ, de faire du Maroc leur pays d’émigration.

La majorité des Subsahariens interrogés par l’enquête - elle se veut représentative de tous les Subsahariens régularisés en 2014 qui vivent actuellement au Maroc - sont de jeunes hommes célibataires : la moitié d’entre eux a entre 25 et 34 ans. Ainsi, 68% y sont venus dans le but de s’y installer. Le tiers restant, seulement, avait l’intention d'aller en Europe - la France et l'Espagne d’abord, puis l'Allemagne pour un plus petit nombre d’entre eux. Ils ont donc choisi le Maroc : pour travailler à 65% et pour poursuivre leurs études à 18%. Seuls 10% des Subsahariens interrogés fuyaient un conflit en arrivant au royaume.

87% est titulaire du baccalauréat, voire plus

S’ils sont venus au Maroc, c’est donc bien pour améliorer leur situation plutôt que pour fuir la misère. L’immense majorité des personnes sondées vivaient en ville avant de partir. De plus, si 87% d'entre eux ont le baccalauréat, voire un diplôme supérieur (pour la moitié d’entre eux), seuls 10% l’ont obtenu au Maroc. Cela signifie que les immigrés subsahariens régularisés sont en moyenne largement plus diplômés en arrivant au Maroc que la moyenne des Marocains eux-mêmes, dont 70% n’est même jamais allée au collège.

Surprenant en apparence, ce constat ne l’est qu’à demi. Il vient confirmer ce que de nombreuses recherches ont déjà prouvé ailleurs : les migrants ne sont pas les plus pauvres parmi les pauvres, mais des gens relativement plus éduqués et mieux lotis que leur compatriotes, car sans cela ils n’auraient tout simplement pas les moyens d’envisager de partir. Pour simplifier, s’ils devaient assurer le quotidien de leur famille, ils ne pourraient pas épargner le prix d’un billet d’avion.

70% sont entrés par avion

Car là encore, seuls 12% des Subsahariens réglarisés sont arrivés illégalement au Maroc au terme d’un long et périlleux voyage. En réalité, 70% d’entre eux sont entrés le plus normalement du monde par avion et 78% avec seulement leur passeport en poche, c’est-à-dire sans même avoir besoin d’un visa. 67% des Subsahariens régularisés sont ainsi Sénégalais, Ivoiriens, Camerounais et Guinéens. Parmi eux, seuls les Camerounais ont légalement besoin d’un visa pour entrer au Maroc. A tous les autres, le pays leur est grand ouvert.

Éduqués, parvenus au royaume légalement avec l’ambition de trouver un bon emploi, les Subsahariens, cependant, déchantent vite. Alors que 65% d’entre eux sont arrivés dans le but de trouver un travail confortable et 18% pour suivre des études, seulement 59% travaillent effectivement alors que 30% sont devenus étudiants ou élèves au sein d'écoles coraniques. 7% seulement sont au chômage, contre 10% de la population nationale marocaine. Sans doute ne peuvent-ils pas se le permettre. Si un grand nombre d’entre eux admet avoir eu recourt à l’aide financière de leur famille une fois parvenu au Maroc, c’est bien le contraire qui doit en principe se produire. Ceux qui partent devraient envoyer de l’argent à ceux qui restent mais en réalité, 22% parviennent à utiliser leur épargne pour transférer de l’argent à leur famille.

Des revenus plus bas que la moyenne nationale

Mieux éduqués, ils gagnent en effet moins bien leur vie que la moyenne des Marocains. «57,95% des revenus des membres de notre population (1 453 Subsahariens régularisés enquêtés, ndlr) sont inférieurs ou égaux au revenu marocain moyen de 2 413 dirhams par mois», précisent les auteurs de l’étude. En toute logique, la moitié d’entre eux estiment que leur emploi ne correspond pas à leur niveau d’étude. Il y a cependant une «limite à leur déclassement», précise l’étude, puisqu’ils sont assez peu présents dans les métiers manuels et ceux du BTP. 30% et 50% d’entre eux travaillent respectivement dans le commerce et les services.

Dans ces conditions, mettre de l’argent de côté reste très difficile. 62% ne parviennent pas à faire des économies et pour les 38% qui y parviennent - 1 260 dirhams en moyenne - l’argent sert d’abord d’assurance en cas de problème de santé. Le reste du bas de laine est réservé à la famille. Autant dire que les perspectives de retour dans leur pays sont particulièrement réduites puisque seul un bon travail là-bas ou une épargne pour investir pourrait les inciter à rentrer.

47% des Subsahariens interrogés regrettent d'être venus au Maroc

In fine, 47% des Subsahariens régularisés dans le cadre de ce rapport regrettent d’être venus au Maroc. L'étude explique en effet que s'ils avaient pleinement su ce qui les y attendait, ils ne seraient tout simplement pas venus. Le travail qu’ils ont trouvé au Maroc ne valait pas le sacrifice financier et affectif qui leur a coûté. Pourtant, malgré des perspectives relativement sombres, ils restent globalement optimistes : 55% des personnes interrogées pensent que leur situation au royaume va s’améliorer dans les prochaines années.

Article modifié le 2016/12/14 à 11h15

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