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Grand Angle

Islam, immigration, droit du sol : Ce qu'en pensent les candidats des primaires de la droite française

Sur les thématiques religieuses, migratoires et identitaires, Alain Juppé et François Fillon partagent quelques dénominateurs communs. Reste que leurs programmes respectifs, diamétralement opposés en certains points, traduisent la vision d'une société conservatrice pour l'un, moderniste pour l'autre. Explications.

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François Fillon et Alain Juppé, le 19 septembre, lors de la cérémonie d'hommages aux victimes des attentats de Paris. / Ph. Michel Euler, AP
Temps de lecture: 3'

Dimanche 27 novembre, à l'issue du second tour des primaires de la droite et du centre, sera élu le candidat des Républicains à l'élection présidentielle française, prévue en mai 2017. Pour l'heure, François Fillon et Alain Juppé se livrent une concurrence à couteaux tirés, sur fond de discours et meetings interposés.

Si le premier - qui devance largement le second dans les sondages - est volontiers dépeint comme le garant des valeurs traditionalistes, notamment en matière d'avortement et d'adoption par les couples homosexuels, l'autre s'affiche en revanche sous un jour plus «progressiste», analyse-t-on dans les médias français.

Peut-être moins tranché, aussi. Sur le front de l'épineuse question de la laïcité, Alain Juppé estime qu’il est impératif de résister «à la tentation d’exiger des lois de circonstance au fil des polémiques médiatiques», d'après le Monde, faisant allusion à une éventuelle législation pour interdire le burkini, réclamée par François Fillon. Ce dernier a d'ailleurs largement soutenu la loi interdisant le port du voile intégral en 2010.

Une «laïcité agressive» tournée vers les musulmans

Dans son programme, le député de Paris se garde d'aborder frontalement l'islam, préférant réserver un paragraphe à l'«islam radical» dans un chapitre consacré aux violences faites aux femmes. Ainsi, il suggère de supprimer les aides à toutes les associations qui ne respectent pas l’égalité homme/femme et l’interdiction des prêches qui portent atteinte à ce principe. Sur l'interdiction du voile intégral, il dit, dans un entretien au JDD en septembre :

«Lorsque j’ai fait interdire la burqa, c’était pour protéger la femme de l’enfermement, non pour brimer sa foi.»

François Fillon se veut en revanche plus tempéré sur le port du voile à l'université, dont il avoue «[ne pas comprendre] la polémique» qui en a découlé - un point sur lequel Alain Juppé le rejoint. Il dénonçait également une «laïcité agressive (…) qui conduirait à exclure progressivement de la communauté nationale tous ceux qui affirment leur foi». Une discrimination dont il estime qu'elle est aujourd'hui tournée «contre l'islam» :

«On constate aujourd’hui que cette laïcité agressive remonte à la surface, notamment en raison des tensions avec une partie des musulmans, et elle conduit à des excès. Vouloir interdire toute forme de prosélytisme à l’intérieur de l’espace public, c’est ma conception de la laïcité ! Vouloir interdire toute manifestation religieuse en dehors du domicile, c’est de la laïcité agressive, quelle que soit la religion.»

La laïcité, encore et toujours, Alain Juppé lui consacre tout un thème dans son programme, prenant soin de cibler le moins possible une religion parmi d’autres. Il préconise la création d’un «conseil national des cultes» et d’un «code de la laïcité» et envisage l’instauration d’un «délit d’entrave à la laïcité dans les services publics». Ce n'est qu'au troisième point du chapitre que le maire de Bordeaux évoque nommément l'islam de France, à qui il propose de conclure un accord avec la République, sous la forme d’une charte : prêches en français, formation des imams, fermeture des mosquées radicales, contrôle du financement des lieux de culte… Dernier point : les repas de substitution dans les cantines, auquel Alain Juppé est favorable, rejoignant encore une fois François Fillon.

Une remise en question de automaticité du droit du sol

Décidément, plus nombreuses qu'il n'y paraît sont les thématiques sur lesquelles les deux candidats font front commun : ils proposent des quotas d’immigration et une réforme du regroupement familial, selon 20 minutes. Quelques nuances ne tardent pas à se faire jour, toutefois : François Fillon propose que le droit du sol (un jeune étranger né et élevé en France devient Français à sa majorité) ne soit plus automatique. Dans ce cas, la nationalité ne serait accordée qu’à la demande du jeune. Il veut durcir les conditions du regroupement familial, notamment en termes de ressources et de maîtrise de la langue française. Dans son programme également, le versement des prestations sociales aux étrangers en situation régulière seulement après deux ans de présence légale sur le sol français.

Alain Juppé est plus modéré : il maintient le droit du sol automatique si au moins un des parents était en situation régulière à la naissance de l’enfant. Il souhaite aussi conditionner le regroupement familial à l’exercice d’un emploi. Enfin, l'aide médicale d’État (AME), destinée aux étrangers sans papiers, fait aussi l'objet de divergences : François Fillon veut tout bonnement la supprimer tandis qu'Alain Juppé veut la limiter aux situations d'urgence. «Tous deux surfent sur l’idée que les immigrés profitent du système qui est assez répandue chez leur électorat», commente le politologue Thomas Guenolé. D'après lui, le clivage fondamental se traduit par ce qu'il appelle la «bataille des quatre i» : islam, insécurité, immigration, identité.

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