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Grand Angle

Agriculture et adaptation : Le Maroc a-t-il réussi sa Cop22 ?

Après deux semaines de négociation, la Cop22 s’est achevée samedi 19 novembre 2016. L’heure est au bilan. Derrière la satisfaction affichée par le Maroc et le nombre considérables d’initiatives et d’engagements pris en parallèle de la Conférence, quelles avancées les deux sujets centraux portés par le Maroc - l’agriculture et l’adaptation - ont-ils vraiment enregistrées ?

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Salaheddine Mezouar en pleine réflexion (c)JulieChaudier
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Tard dans la nuit de vendredi à samedi, les négociateurs de la Cop22 sont parvenus à un accord sans tambours ni trompette. «La Cop22 a finalement abouti à un résultat assez mitigé, un peu décevant : on attendait un sursaut des pays, en particulier après l’élection de Donald Trump», soulignait vendredi après-midi, 18 novembre 2016, Lucie Dufour, militante responsable réseau international et développement pour Réseau Action Climat en France. Le Maroc, en tant que pays hôte, s’était donné deux priorités : faire avancer le financement de l’adaptation en général et pour l’agriculture en particulier, secteur vital pour l’Afrique.

Selon les conclusions de la Cop21, les pays développés devaient arriver à la Cop22 avec une feuille de route pour les 100 milliards de dollars par an qu’ils se sont engagés (en 2009) à verser d’ici 2020 aux pays en développement pour financer leur transition énergétique. En jeu dans ce cadre pour le Maroc, la part dédiée à l’adaptation au changement climatique plutôt qu’à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre.

«Les pays développés ont promis de doubler la part dédiée en volume à l’adaptation. Elle va passer de 16 [en 2013-2014, selon l’OCDE, ndlr] à 20% [en 2020]», a indiqué vendredi Nizar Baraka, membre du comité de pilotage de la Cop22, laissant penser que le Maroc et les pays en développement avaient arraché là une véritable victoire. En fait, il ne s’agit que des engagements pris dans la feuille de route pour les 100 milliards de dollars rendue publique par le Grande Bretagne et l’Australie en octobre dernier en prévision de la Cop.

Les forces conjuguées des négociateurs du Groupe Afrique, des pays les moins avancés et du Maroc n’ont finalement pas permis, pendant cette Cop, de revoir à la hausse cette proportion qu’ils jugent largement insuffisante. «Un peu par provocation, le G77 a déposé pendant la Cop une proposition visant à quadrupler la part dédiée à l’adaptation, mais il n’a eu aucun effet», précise Lucie Dufour.

Le Fonds d’adaptation - un fonds spécifique créé pour financer les projets réalisés dans le cadre du Protocole de Kyoto - est l’une des voies que peuvent emprunter les fameux 100 milliards de dollars promis. Elle est privilégiée par les pays en développement qui disposent d’une plus grande influence au sein de son Conseil d’administration que les pays industrialisés. Ce fonds présente également l’avantage d’être en accès direct pour les demandes de financement. «Il est financé par un pourcentage sur les crédits carbone. Or, depuis que le prix de la tonne de carbone a chuté à moins d’un euro, il est en déficit structurel, nous obligeant à faire une quête tous les ans auprès des pays développés pour l’alimenter», expliquait Seyni Nafo, dans une interview à Jeune Afrique. Petite victoire, 81 millions de dollars lui ont été promis pendant la Cop22.

Surtout, ce Fonds a presque été tout à fait intégré à l’Accord de Paris. A Paris, l’an dernier, il avait été écrit que le Fonds d’adaptation «pourrait servir l’Accord de Paris», c’est-à-dire qu’il pourrait servir à canaliser les financements réalisés dans le cadre l’Accord de Paris qui prendra le relai du Protocole de Kyoto en 2020. En jeu, la pérennité de ce fonds avantageux pour les pays en développement. Cette année, à Marrakech, il a été écrit qu’il «devrait servir l’Accord de Paris», mais pas encore qu’il «va» ou qu’il «doit» le servir. Tout en nuance.

L’adaptation de l’agriculture - dont l’importance a été soulignée par l’Initiative marocaine pour l’Adaptation de l’Agriculture en Afrique lancée en parallèle de la Cop22 - restera finalement le grand échec de la Cop22. Aucune avancée n’a été enregistrée à ce sujet. Les Etats ne sont même pas arrivés à se mettre d’accord sur un programme de travail. «Les pays en développement voulaient commencer à discuter uniquement de l’adaptation, et les pays développés ont refusé préférant parler d’atténuation. Entre les deux, les pays émergents continuent à vouloir passer pour des pays en développement alors que leur agriculture très industrialisée relève des mêmes problématiques d’atténuation que les pays développés», explique Lucie Dufour. «Le Maroc a poussé, mais il y a eu pas mal de résistance. Le sujet reste au programme du SUBSTA [l’un des organes subsidiaires de la Cop, ndlr] pour arriver à un accord à Bonn, lors de la prochaine Cop», a reconnu Nizar Baraka.

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