2016-2017 est une année qui s’est annoncée sous le signe du blocage pour les élèves ingénieurs de l’ENSA. Le ministre sortant de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des Cadres, Lahcen Daoudi a émis le décret n° 2-15-644 qui regroupe certains établissements universitaires dans des pôles unifiés et crée de nouvelles facultés et de nouveaux instituts.
Négociations entre Daoudi et les ENSAistes
Mariya Guerroum, membre de la commission nationale des étudiants de l’Ecole Nationale des Sciences Appliquées et étudiante en 5ème année terminale explique à Yabiladi que les réunions de négociations avec le ministre de tutelle se sont révélées «improductives». «Il a dit que s’il reprenait le même portefeuille ministériel, il allait nous soutenir et exclure l’ENSA du décret qu’il a émis. Sinon, nous devrons nous débrouiller avec le nouveau ministre», a-t-elle rapporté.
Pour calmer les esprits, le ministre avait promis que les cinq promotions inscrites via concours de l’ENSA obtiendront un diplôme de l’école, ajoute Mariya. Le communiqué qui a suivi un mois après la rencontre à Tanger est un terrain miné qui n’exprime nullement cet accord, regrette l'étudiante. Elle ajoute :
«Ce texte est truffé d’ambiguïtés, comme nous l’a certifié une consultation juridique. Comment le directeur d’une école polytechnique pourra-t-il signer un diplôme de l’ENSA et dans quel cadre légal ? En outre, même avec nos diplômes en poche, ils n’auront plus aucune identité valable, puisque notre école n’existera plus. Aucun cahier de charge n'a été émis, la décision prise est complètement aléatoire.»
Le Boycott expliqué
Revenant sur les raisons du boycott, la future ingénieure s’explique : «Le ministère a fait un benchmarking qui s’appuie sur une expérience réussie de fusionnement d’instituts supérieurs à l’étranger et il l’a dupliqué sur l’ENSA, qui est en elle-même une école réussie et optimale. Il n’y a aucune similitude entre les formations respectives des trois institutions», renchérit l’étudiante.
Selon elle, l’expérience étrangère a des critères différents, ici, elle n'apportera aucun avantage aux étudiants de l’ENSA qui seront "handicapés". Maintenant l’ingénieur et le technicien se partageront le même matériel. Elle s'inquiète du fait que «les directions de Ressources Humaines des grands groupes et entreprises (l’OCP par exemple) privilégient le diplôme d’une grande école, telle que l’ENSA, nos chances d’intégrer ces structures vont donc être considérablement diminuées avec la fusion».
Motivations controversées
La dernière circulaire ministérielle datant de la veille (31 octobre 2016) s’adresse aux présidents d’universités à propos de la fusion et le «re-baptême» des ENSAs en polytechniques». Le ministère rappelle les étudiants grévistes à l’ordre, avant que la situation n’ait des conséquences «gravissimes» sur leur avenir académique et professionnel.
La circulaire indique que l’objectif du décret émane de la stratégie nationale à laquelle adhère le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation. Ladite stratégie a pour objectif de faire face à la concurrence internationale et pourvoir le marché du travail en cadres techniques supérieurs, à travers l’élargissement, la diversification et l’optimisation des formations universitaires, etc.
La représentante Mariya Guerroum ne le voit pas de cet œil : «Nous avons été une bonne école jusque là, le décret est une mesure d’austérité budgétaire. Au lieu de rénover et renouveler le matériel de chaque école et contribuer à son développement, il est entrain de répartir ces ressources sur un plus grand nombre d’étudiants et donc économiser».
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— Asmaa (@asmaa_tw) 1 novembre 2016
Une année blanche en perspective ?
11 Ecoles Nationales de Sciences Appliquées se répartissent sur les villes suivantes : Oujda, Tétouan, Tanger, Fès, El Jadida, Khouribga, Kenitra, Asfi, Agadir et El Hoceima. Cette dernière n’est pas concernée par le fusionnement, pour des raisons inconnues.
La circulaire datant de la veille a sorti les étudiants de l’ENSA d’Oujda de leurs gonds. Ils ont improvisé un sit-in et ont bloqué la présidence de l'Université Mohammed I. Dans un amphithéâtre, les pourparlers commencent, un étudiant prend la parole et explique que le fusionnement porte préjudice à la réputation de grande école. Le président répond du tac au tac : «l’école n’a aucune réputation». L’indignation est à son comble, il s’agit pour les étudiants d’une volonté d’humiliation.
Interrogée sur l'éventualité d'une année blanche, Mariya a répondu : «Nous faisons grève depuis 40 jours, nous sommes capables d'aller plus loin, mais la décision reviendra in fine aux étudiants».