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Grand Angle

Oued Zem, cette petite ville du centre marocain décrite comme la capitale de la « sextorsion »

L’utilisation d'images et de vidéos privées ou sexuellement explicites pour extirper de l’argent à des inconnus est visiblement une pratique courante à Oued Zem. Des journalistes de la BBC sont allés à la rencontre de ces jeunes Marocains qui se livrent à ces «sextorsions». Récit.  

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Photo d'illustration. / DR
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On n’imaginerait pas qu’une petite ville du centre du Maroc est devenue célèbre ces dernières années grâce aux scandales sexuels qui y ont éclaté. A Oued Zem, des affaires dites de «sex scam» et de chantage se sont propagées, derrière lesquelles se cachent certains jeunes habitants de cette bourgade.

La BBC revient ce jeudi à travers un reportage sur l’histoire d’un jeune Palestinien résidant à l’étranger, victime d’un réseau d’escrocs. «Un phénomène nouveau et inquiétant qui consiste à utiliser des images privées ou sexuellement explicites pour faire chanter des jeunes, principalement des filles et des femmes, dans les sociétés les plus conservatrices au monde», indique la télévision britannique.

«20 minutes de tchat, 20 minutes pour la vidéo et 20 minutes de menaces»

Les journalistes de la chaîne se sont rendus à Oued Zem, sorte de QG où «sont basés la plupart de ces escrocs». La ville est désormais connue sous le nom sulfureux de «capitale de l'industrie du ‘sextorsion’». Ces usurpateurs naviguent sur Facebook à la recherche de victimes, des hommes étrangers principalement. Dès qu'un individu répond à un appel vidéo, ils activent un logiciel qui montre à leur victime une vidéo préenregistrée d'une «fausse» jeune fille : en réalité, cette séquence n’est qu’un produit téléchargé à partir d'un site pornographique.

«Ils sont devenus tellement familiers avec ce genre de vidéos qu'ils sont capables de rédiger des messages à leurs victimes au moment exact où la fille de la vidéo semble taper sur son clavier», s’étonne l’auteur de l’article. Ce dernier réussit même à interviewer un jeune escroc habitué. Un dénommé Omar lui déroule alors le plan systématiquement appliqué : « On lui demande d'enlever ses vêtements et de faire des gestes obscènes», explique-t-il, précisant qu’il est «crucial que ses parties génitales soient visibles». Et de poursuivre : «La vidéo de la victime est filmée avec son visage sur l'écran, de sorte qu’elle semble crédible. Quand on a fini l'enregistrement, on télécharge la vidéo sur YouTube avant de l’envoyer en message privé via un lien».

C'est alors que débute toute une série de chantage. «On fait 20 minutes de tchat, 20 minutes pour la vidéo et 20 minutes de menace», indique l’interlocuteur. Après tout un processus de négociations, les victimes finissent généralement par payer. D’importantes sommes d’argent leur sont en effet réclamées. Le cas échéant, les vidéos sur lesquels ils se livrent à des pratiques sexuelles sont alors diffusées à grande échelle. «Le point de faiblesse chez les Arabes, ça reste le sexe. Alors vous les exploitez», ajoute Omar. Autres «faiblesses» exploitables ? Les hommes mariés et les gens d’apparence très pieux.

Omar dit gagner environ 4 900 dirhams (500 dollars) pour chaque arnaque. D’après lui, «des centaines» de jeunes hommes à Oued Zem s’adonneraient à ce chantage.

Une pratique pour pallier la baisse des transferts d'argent des MRE ?

Plus loin, la BBC revient sur le nombre élevé des bureaux de transfert d'argent, estimés à 50 dans cette petite ville. L’un de leurs gestionnaires affirme que la somme moyenne reçue quotidiennement s’élèverait à 84 174 dirhams (8 500 dollars). Dans la grande majorité des cas, cet argent provient du chantage, avance-t-il.

D’après le gérant d’une communauté en ligne intitulée les «Survivants du Scam», les victimes sont unanimes : près d’«un tiers des escrocs sont originaires du Maroc». A Oued Zem, nombreuses étaient les familles à recevoir de l’argent de la part d’un membre installé en Europe. Une habitude négativement impactée en 2008 suite à la crise économique. De plus, à cette période là, les nouveaux outils de communication et certaines applications de tchat via les webcams se sont largement développés.

Omar admet ne pas être fier de pratiquer ce genre d’activités. «Difficile d’éviter la conclusion selon laquelle, dans un endroit qui offre peu de possibilités, un jeune peut difficilement trouver un moyen légitime de gagner 500 dollars par jour», conclut la BBC.

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