Menu

Grand Angle

Déchets : 7,5% des émissions de gaz à effet de serre du Maroc

7,5 % des gaz à effet de serre sont émis au Maroc par les décharges. Après avoir tenté le compostage dans les années 80, le Maroc opte pour le torchage. Détails.

Publié
La décharge d'Oulja, entre Rabat et Salé, avant sa réhabilitation. / DR
Une torchère a été construite par Ecomed sur la décharge d'Oulja. La flamme est invisible.
A Fès, Ecomed a construit une usine électrique qui fonctionne avec le gaz de la décharge.

«Les déchets produisent à l’échelle mondiale 3 à 5 % des gaz à effets de serre (GES). Au Maroc, ils représentent 7,5 % de nos émissions», a rappelé Miriem Bensalah-Chaqroun, présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) en ouverture de la Conférence internationale sur les déchets organisée par la Coalition de valorisation des déchets (COVAD). Cette proportion est amenée à se maintenir dans les années qui viennent car la production de déchets augmente de 3,49 % par an en moyenne - «plus que le taux de croissance du PIB», a ironisé la patronne des patrons. 

Pourquoi cette proportion supérieure à la moyenne ? Le Maroc est un pays en développement et la structure de ses activités émettrices de GES est différente d’un pays industrialisé. Dans l’Union européenne, par exemple, l’industrie participait en 2012 pour 19 % aux émissions de gaz à effet de serre, contre seulement 10 % au Maroc, selon la Troisième communication marocaine à la CNUCC.

La part importante des déchets dans les émissions totale de gaz à effet de serre au royaume est également liée à leur composition. Au Maroc, la consommation de légumes frais est encore bien supérieure à celle de produits transformés et donc emballés. De fait, 65 à 70 % des déchets sont organiques, humides et donc fermentescibles. En d’autres termes, le plastique ne pourrit pas ; les épluchures, si. La fermentation qui se produit dans les décharges dégage des gaz, principalement composés de méthane. Or, ce dernier a un effet de serre 25 fois supérieur à celui du CO2.

Conscient de la part considérable de déchets organiques abandonnés dans des dépotoirs, le Maroc a très tôt envisagé de les valoriser. Dans les années 70 et 80, il se lance dans la construction d’usines de compostage. Réalisé de façon correcte, c’est-à-dire en aérant régulièrement le tas de compost, il ne produit plus de méthane. Ainsi, même si la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’était pas l’objectif affiché par cette politique, elle aurait dû en être l’un des effets. Malheureusement, cette première expérience s'est soldée par un échec.

Pas moins de quatre usines ont pourtant été construites à coups de millions de dirhams à Marrakech, Tanger, Tétouan et Agadir. «L’usine de Marrakech a fonctionné durant quatre ans, mais de façon épisodique et sur une seule chaîne de traitement. Outre des difficultés techniques de fonctionnement, la commercialisation du compost produit s’est avérée très difficile, en raison de la présence de matières indésirables (plastiques, métaux, etc.), due à un criblage trop grossier. L’usine a dès lors été fermée», indique l’étude «Gestion des déchets, innovations et territoires. Retours d’expériences et recherche contextuelle», publiée en 2008.

Valoriser le biogaz des déchets

Après cet échec, le gouvernement entame une politique «tout décharge» à travers le lancement du Plan national des déchets ménagers en 2008. Rapidement, l’option biogaz émerge : il s’agit de capter les gaz qui s’échappent de la décharge. Selon une étude réalisée par l'Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ADEREE), le potentiel théorique de production de gaz par les décharges au Maroc est de 700 millions de m3 par an, pour 5,5 millions de tonnes de déchets enfouis par an en 2010.

Le développement des décharges contrôlées - 17 en 2016 sur 75 prévues en 2020 -  organise le recouvrement progressif des casiers dès qu’ils sont remplis. Il permet ainsi l’installation de puits de captage des gaz. Leur torchage transforme le méthane en CO2 et réduit donc mécaniquement l’effet de serre.

La vieille décharge sauvage d’Oulja, entre Rabat et Salé, a été l’une des premières, lors de sa réhabilitation en 2007, à se doter d’une torchère. Elle permet d’éviter l’émission de 32 481 de tonnes équivalent CO2 par an. A Akreuch, près de Rabat, «le corps de déchets de l’ancienne décharge que nous avons réhabilitée était trop ancien pour produire du gaz, explique Saïd Zniber, directeur général de Pizzorno, société gestionnaire de la nouvelle décharge. Par contre, sur le premier casier recouvert de Oum Azza, nous avons installé 45 puits. Nous torchons 350 m3 de méthane par heure.»

Le biogaz des décharges devient intéressant économiquement dès lors qu’il est utilisé dans la production d’électricité. A Meknès, une torchère a été installée sur l’ancienne décharge, «in fine, l’objectif est de construire une usine électrique», indique Brice Megard, directeur des activités de traitement des déchets de Recyclage et Valorisation Maroc pour Suez. A Fès, Ecomed a raccordé sa petite centrale électrique de 1,12 MW au réseau électrique de la ville en juin 2015. Un investissement de 100 millions de dirhams pour un chiffre d’affaires annuel espéré de 8,5 millions.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com