Les parlementaires américains récidivent. Ils ont voté mercredi 28 septembre, pour la deuxième fois, une loi autorisant les familles des victimes du 11 Septembre à poursuivre en justice l’Arabie saoudite, révoquant ainsi le véto du président Barack Obama. Hier soir, le porte-parole du ministère saoudien des Affaires étrangères a mis en garde contre «les conséquences désastreuses et dangereuses» du texte. Ryad s’est gardé de proférer des menaces directes à l’encontre de son «allié».
Pour le moment, les wahhabites évitent l’escalade. En témoigne le retard de la publication de leur réaction, soit vingt-quatre heures après l’adoption de la loi. Hier, des officiels saoudiens ont également refusé de s’exprimer sur le sujet, selon le Financial Times.
En revanche, plusieurs médias et analystes saoudiens avaient brandi, dès le premier vote du Sénat en mai, la menace de rapatrier une partie des centaines de milliards de dollars investis aux Etats-Unis pour l’injecter dans leur économie locale - qui a réellement besoin d’une bouffée d’oxygène - ou de la placer dans d’autres pays. Rien qu’en Bons de trésor américain, Ryad compte un butin de 750 milliards de dollars. Un chiffre astronomique auquel s’ajoutent des dizaines de milliards grâce à des actions dans les plus grandes sociétés américaines.
«Le Maroc est mieux placé»
«Cette loi est aberrante et dangereuse», commente Mohamed Kerdoudi, le président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI). L’expert ne croit pas à un rapatriement de l'ensemble des avoirs saoudiens aux Etats-Unis : «Entre les menaces et les actes, il y a une marge de manœuvre». Et d'expliquer que «Ryad sera la principale perdante de la chute de la valeur de ses actions sur le marché, sachant qu'elles sont en dollars. Un rapatriement total et brutal aura des conséquences sur la santé de la monnaie américaine».
La Chine est d'ailleurs dans la même position. «Elle aussi détient des centaines de milliards de dollars en Bons de trésor américain. Elle menace de les vendre lorsque ses relations avec Washington sont froides, sans toutefois jamais passer à l’acte.»
«Mais en cas de retrait d’une partie des avoirs saoudiens, le Maroc en bénéficiera naturellement. Il est bien placé pour la recevoir. Il offre de meilleures garanties pour Ryad», estime le président de l’IMRI. Le royaume entretient en effet de bonnes relations avec l’Arabie saoudite. Contrairement à l’Egypte d'Al Sissi, qui a commencé à prendre ses distances avec les wahhabites sur les dossiers syrien et yéménite, Rabat appuie sans concession la politique étrangère des Saoudiens. Quant au Liban, autre éventuel concurrent, le contexte d’insécurité et l’influence de la milice chiite du Hezbollah sur la politique et l’économie de ce pays constituent un facteur à même d’écarter Beyrouth.
En novembre 2014, Casablanca avait abrité un forum des investisseurs des Etats du Golfe. Devant le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, ces derniers s'étaient engagés à investir 120 milliards de dollars au Maroc à l’horizon 2024.