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Grand Angle

Journée mondiale des personnes âgées : Au Maroc et malgré les efforts, les séniors continuent de souffrir en silence

Le Maroc et l’ensemble des pays du monde célèbreront samedi 1er octobre la Journée internationale des personnes âgées. Séniors, troisième âge, aînés, les termes ne manquent pas pour évoquer les personnes âgées au sein de nos villes, nos familles et nos sociétés. Malgré la place particulière qu’accordent les Marocains à cette population, ses conditions de vie ne semblent pas s’améliorer, alors que la société marocaine a déjà tendance à vieillir. Retour sur quelques maux de cette composante de la société marocaine.

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Des personnes âgées dans un établissement de prise en charge. / DR
Temps de lecture: 4'

Un constat loin d’être la révélation de l’année. Le Maroc est l’un des pays où les conditions de vie des personnes âgées sont plus que déplorables. Début septembre, un rapport intitulé «Global Age Watch» établi par l’ONU et l’ONG HelpAge classait le Maroc à la 84e place du classement sur un total de 96 pays. Le document, qui s’appuie sur plusieurs critères pour attribuer un indice global en matière de bien-être des personnes du troisième âge, estime que le royaume est loin d’être un pays modèle pour cette catégorie sociale. D’autant qu’à l’horizon 2050, près d’un quart des Marocains auront plus de 60 ans, d’après les estimations de l’étude. Les personnes âgées représenteront plus de 15  % de la population en 2030 et environs 23,4 % en 2050.

Mais les maux de cette population ne sont un secret pour personne. Dans un rapport préparé par sa commission permanente chargée des affaires sociales et de la solidarité, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait tiré il y a un an la sonnette d’alarme pour accorder plus de droits et de dignité aux personnes âgées. Une notion « complexe car elle renvoie certes à l’âge mais également à la vulnérabilité de ces personnes, vulnérabilité dont les facteurs sont multiples et divers», notait l’institution consultative présidée par Nizar Baraka. Malgré plusieurs initiatives, comme celles du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), la Moudawana, qui stipule que la pension alimentaire est due par les enfants à leur père et mère, et le Code pénal, qui sanctionne l’abandon pécuniaire familial, la violence à l’encontre des ascendants et le parricide, des personnes âgées continuent de vivre dans la précarité et la pauvreté.

Les séniors n’ont jamais été une priorité pour les pouvoirs publics

«Même la loi 14-05, qui établit les règles et les normes dans la construction et la gestion des établissements de protection sociale (…) est dépassée et ne garantit plus les droits et la dignité de ces personnes», regrettait le CESE. Avec un taux de 70 % d’analphabétisme au sein de cette catégorie sociale, la plupart de ses composantes doivent composer avec des revenus très bas. Plus de la moitié des personnes âgées souffrent d’au moins une maladie chronique sans avoir accès aux soins, quand près du tiers d’entre elles sont en situation de dépendance.

Autre réalité choquante : la couverture sociale et médicale ne bénéficie qu’à 1/5 des personnes âgées. Solitude, isolement, absence d’activités ; même au sein des centres d’accueil, la vie n’est vraiment pas rose, avec un personnel encadrant souvent mal formé et peu motivé et des bâtiments et des infrastructures inadaptés aux spécificités. L’unique loi 14-05 qui concerne cette catégorie de personnes s’intéresse aux centres d’accueil au lieu d’évoquer des critères et des normes en rapport avec la prise en charge. «Quant aux politiques publiques et plans d’action conçus et élaborés dans ce cadre, l’on relève leur caractère partiel et non intégré», relevait encore le CESE.

D’ailleurs, alors qu’on remarque que les maux de cette partie de la population n’ont pas été résolus au cours de l’actuel quinquennat, certains partis politiques se sont penchés sur son sort dans leur programme électoral. Ces formations politiques promettent, entre autres, de prioriser la couverture médicale gratuite pour les personnes âgées, sans présenter de mesures concrètes. D’autres mettent la charrue avant les bœufs en proposant de renforcer des outils qui n’existent même pas dans la pratique, à l’instar du Parti de la justice et du développement (PJD). D’autres encore, comme le Parti de l’authenticité et de la modernité (PAM) ne suggère carrément aucune proposition dans leur feuille de route.

Un simple débat saisonnier

Des personnes âgées en situation précaire, on en rencontre presque chaque jour, sur notre chemin à l’école ou au boulot, aux arrêts de bus ou de tramway et même à proximité de nos maisons ou nos supermarchés. Toutefois, le débat sur leurs conditions déplorables n’intervient qu’au lendemain des affaires les concernant ou à la veille de cette journée mondiale.

En août dernier, des photos prises dans l’hôpital provincial de Khénifra, montrant des hommes âgés dans des conditions précaires, avaient particulièrement choqué sur les réseaux sociaux. Elles avaient relancé le débat, ne se serait-ce que durant quelques jours, sur cette catégorie. Les clichés, pris par un citoyen, montraient trois vieillards maigres et affaiblis en T-shirts assortis de couches pour adulte, dormant par terre sur des couvertures pliées en deux. Le ministère de la Santé, réagissant au lendemain de cette affaire, avait indiqué que seule l’une des personnes avait été admise au CHP de Khénifra, renvoyant la balle au département de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, ce dernier étant en charge des personnes âgées.

Le Maroc dispose de 62 établissements pour la prise en charge des personnes en situation difficile, mais reste loin des attentes de cette population. Un projet de création d’un Observatoire national des personnes âgées pour alerter, évaluer et anticiper l’évolution de leur situation, est encore au stade de projet.

Pour rappel, le CESE avait recommandé de faire de la Journée mondiale des personnes âgées un moment fort permettant de s’arrêter sur leur situation et de présenter le bilan et les perspectives d’amélioration des conditions de ces personnes. Le département de Bassima Hakkaoui aura peut-être donc une dernière carte à jouer pour convaincre ceux qui tirent à boulets rouges sur le bilan de ce département en matière de mécanismes de protection des aînés.

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