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Interview

Communication digitale des partis politiques au Maroc : « Il y a beaucoup d’amateurisme », selon Marouane Harmach

A l’approche des élections législatives, les partis politiques n’aiguisent plus seulement leurs couteaux. Certains d’entre eux caressent aussi leurs claviers en attendant le lancement de la campagne électorale. Pages sponsorisées, statuts sur Facebook, live tweets ou encore vidéos institutionnelles et promotionnelles ; les internautes marocains auront droit au meilleur comme au pire sur la weboma. Retour sur la communication digitale de l’échiquier politique marocain avec Marouane Harmach, directeur associé du cabinet Consultor.ma et consultant sénior spécialisé dans les stratégies de présence digitale.

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Photo d'illustration. / Gaboweb
Temps de lecture: 4'

A la veille des élections législatives, les partis politiques marocains multiplient les actions de communication, notamment sur le web pour toucher un plus grand nombre d’électeurs. Quels sont les moyens qui sont aujourd’hui les plus sollicités ?

La communication digitale aujourd’hui est un vrai cheval de bataille de la communication politique en général. Ça a commencé en 2011 avec une prise de conscience brutale après la mobilisation du 20 février sur les réseaux sociaux. Les responsables politiques se sont rendus compte que quelque chose se passait dont ils ne comprenaient pas les enjeux, le langage et les techniques. Il y a donc eu un moment d’apprentissage entre les élections de 2011-2012 et les dernières échéances des élections communales et régionales de 2015. Actuellement, on constate un effort mené par les partis politiques au niveau de la communication digitale.

Un effort matérialisé par leur présence sur le web notamment…

Effectivement. Cette présence, on la remarque d’abord sur les principaux réseaux sociaux à savoir Facebook, Twitter et des chaînes sur YouTube, mais aussi à travers les sites de certains partis où ils vont communiquer sur leurs programmes électoraux. Il y a aussi la couverture de certaines activités du parti et de ses leaders qui visent à mobiliser.

Que pensez-vous de ces actions de communication ?

Les actions que nous voyons aujourd’hui n’ont pas été professionnalisées. Il y a beaucoup d’amateurisme, c’est l’image globale de ce que vivent les structures partisanes au Maroc à cause du manque de moyens et d’encadrement et de la saisonnalité de l’activité entre autres, qui se reflètent ainsi sur la communication politique. Aujourd’hui, la communication politique en général, peu importe les moyens, est encore faible, encore plus en ce qui concerne ce domaine nouveau qu’est la communication digitale.

Il y a toutefois certains partis qui essaient de se différencier et de se démarquer à l’instar de la Fédération de la gauche démocratique et du PJD (Parti de la justice et du développement, ndlr) dont les activités sont constantes et régulières. Et depuis quelques temps, des actions du PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité) et du RNI (Rassemblement national des indépendants) sont encore balbutiantes et pas complètement déployées.

L’évolution des technologies de l’information et de la communication permet-elle aujourd’hui d’affirmer que les réseaux sociaux sont les nouvelles arènes des débats politiques ?

Absolument. Je suis très catégorique et je pense qu’il y a aujourd’hui une opinion digitale qui observe ce qui se passe en suivant l’actualité et les évènements. Je pense même que les commentaires sur les réseaux sociaux sont consultés par les responsables pour voir la tendance et la position des internautes.

Nous avons observé il y a quelques jours un phénomène nouveau dans lequel les prises de position de certains leaders se font exclusivement à travers les réseaux sociaux. La sortie récente de Mustapha Ramid (ministre de la Justice et des libertés) en est la preuve. Ce n’était pas une communication classique. C’est même inhabituel pour une position aussi forte où il dit ‘je suis out par rapport à l’organisation des élections et je me dédouane de toutes les dérives qui peuvent se passer’. Je pense que nous n’avons pas suffisamment commenté ce cas dans lequel un leader ou un ministre va prendre une position assez pesante à travers Facebook. Et le plus remarquable, c’est la réponse de Mohamed Hassad qui n’a pas été faite à travers un communiqué, mais plutôt en répondant avec le même moyen lors d’une interview à Hespress.

Il y a donc quelque chose de nouveau qui est en train d’émerger. C’est un dialogue politique entre les acteurs, qui se faisait autrefois par communiqués interposés ou à travers les organes de presse partisane, et qui passe aujourd’hui par les réseaux sociaux et les sites d’information. Cela est inhabituel, c’est une première qui sera suivie par d’autres actes de ce type là.

Avec l’important flux d’information sur les fils d’actualités des réseaux sociaux, ces actions de communication digitale permettent-elles d’atteindre les objectifs escomptés ?

Je crois que le choix de l’électeur est une décision complexe. Mais je pense que ces actions contribuent en quelque sorte aux objectifs dans la mesure où elles touchent une partie des électeurs. Aujourd’hui, nous avons 18 millions de Marocains qui ont accès à Internet et dont la plus grande partie a moins de 30 ans. Ces gens sont hyperinformés, consultent les sites d’information et les réseaux sociaux. Il y a donc un vrai dialogue qui s’établit. Je pense que le vote est de plus en plus lié à la manière dont on va s’adresser à ces gens là. L’acte politique de voter est partiellement influencé par les informations qu’on va diffuser.

Pour dépasser ce stade d’amateurisme et passer à une communication digitale professionnelle, quelle serait la recette ?

Il faut une mise à niveau des structures partisanes pour qu’elle soit attrayante pour les jeunes qui souhaitent les intégrer. Ce sont ces jeunes qui peuvent formaliser un discours qui s’adressent à leurs semblables. Donc modernisation et rajeunissement des structures partisanes, déjà. Le deuxième élément qui résulte du premier est l’élaboration d’une stratégie de travail sur le cycle électoral de 5 ans où il y aura une partie stratégie de communication et des actions. Le troisième élément est la professionnalisation de la communication et donc le recours à des agences de conseil en communication politique, soit par un recrutement permanant des personnes qui vont animer les pages et s’adresser à ce public présent sur les réseaux sociaux.

Article modifié le 2016/09/21 à 20h07

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