A-t-on vraiment attendu Jean-Pierre Chevènement, récemment nommé à la tête de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, pour lancer un appel à la taxation du marché halal pour le financement d’un organisme dédié à la deuxième religion de l’Hexagone ? Non.
«Je suis partisan qu’on utilise d’autres moyens. Il y a un vaste marché de la viande halal, chiffre d’affaires 5 milliards (d’euros, ndlr). Il est possible de se mettre d’accord sur une contribution modeste mais qui donnera quand même des moyens de financement à ce dispositif», a ainsi déclaré mardi 13 septembre l’ancien Premier ministre français sur France Info lors de l’interview politique matinale de la chaîne.
Pour financer la fondation de l'islam, @chevenement propose les fonds du "vaste marché halal" #8h30Aphatie https://t.co/hZCRvz7q4l
— franceinfo (@franceinfo) 14 septembre 2016
«L’idée d’un financement par la vente de viande halal est calquée sur le modèle juif de la cacherout : un pourcentage est prélevé sur la vente de viande issue d’un abattage rituel et redistribué pour financer des activités religieuses», rappelle Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue, chargée de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam), notamment.
La taxe halal, inconstitutionnelle ?
Si le concept a fait son chemin auprès de plusieurs personnalités de l’échiquier politique français dès les années 90, suggéré à l’époque par Charles Pasqua, et reçu la bénédiction du Conseil français du culte musulman (CFCM), il n’en reste pas moins une utopie - inconstitutionnelle de surcroît. «Une telle taxe pourrait contrevenir au principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt (…). En vertu de ce principe et de son application par le Conseil constitutionnel, toute différence de traitement fiscal doit être justifiée par une raison d’intérêt général en rapport direct avec la loi», relève un rapport du Sénat sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, publié en juillet dernier.
«S’agissant d’une taxe halal, il convient de se demander quelle raison d’intérêt général pourrait justifier une telle différence de traitement entre produits halal et produits non halal. Deux objectifs pourraient être avancés : la protection du consommateur musulman d’une part, et le financement du culte musulman d’autre part. Cependant, au regard du caractère communautaire et religieux de ces objectifs et compte tenu du principe constitutionnel de laïcité, il ne semble pas certain qu’ils puissent être qualifiés d’objectifs d’intérêt général», notent les auteurs du rapport, les sénateurs Nathalie Goulet et André Reichardt.
A cet obstacle s’ajoute l’absence de norme commune du halal. Tandis que les prescriptions du casher sont clairement définies, celles des produits carnés conformes au rite musulman le sont beaucoup moins. «La définition du halal est sujette à de nombreuses interprétations et normes plus ou moins strictes. (…) il n’y a aujourd’hui aucun consensus autour de ce qui est halal et, partant, de l’assiette des produits qui pourraient être taxés à ce titre», lit-on dans l’étude du Sénat. Un label qui «souffre d’un manque de fiabilité et de lisibilité, par opposition aux produits casher, qui font l’objet d’une définition et d’une production unifiées et codifiées».
Les mosquées de Paris, d'Evry et de Lyon et certains organismes de contrôles certifient la viande halal et délivrent chacune leurs habilitations, écrit le Figaro. A l’heure actuelle, ce marché pèse entre 6 à 7 milliards d’euros en France.