«Adam va retrouver ton frère… Va t’amuser avec les autres, maman se libère rapidement», souffle tendrement Fadoua Haddadi, 35 ans, à son fils cadet qui privilégie le contact avec sa mère, une mère qui a d’ailleurs de l’énergie à revendre.
Avec son époux, Nabil Bassem, 45 ans et originaire de Fès, ils ont trois enfants, dont deux lourdement handicapés. Ayoub, qui à 7 ans ne parle pas, souffre d’acidose lactique congénitale, d’atrophie cérébrale et d’épilepsie réfractaire. Adam, 4 ans, est quant à lui atteint d’anémie sidéroblastique (mauvaise absorption du fer) et d’un retard de développement général.
Objectifs réorientés
L’ainé, Rayane, 9 ans, était en parfaite santé jusqu’à récemment. Les médecins lui ont diagnostiqué un trouble de l’attention avec hyperactivité. Si son cas est relativement facile à gérer pour Fadoua et Nabil, celui de ses deux cadets a complètement transformé le quotidien de ce couple MRE dont l’histoire a même récemment intéressé la presse québécoise.
Fadoua est arrivée au Québec en 2006, trois ans après Nabil. Avec le diagnostic d’Ayoub, le père de famille titulaire d’un diplôme en pharmaceutique a dû mettre sa carrière entre parenthèse. Il s’est converti en chauffeur de transport adapté. «A l’époque je ne conduisais pas. Or, il fallait tout le temps se rendre aux rendez-vous à l’hôpital, donc il faisait une pierre deux coups», explique son épouse dans un entretien à Yabiladi.
Au Maroc, Fadoua étudiait la littérature anglaise à l’Université Mohammed Ier d’Oujda, d’où elle est originaire. Au Canada, elle avait entamé un certificat universitaire en petite enfance pendant la grossesse d’Ayoub, qu’elle a été contrainte d’abandonner quand son fils est tombé malade.
Un quotidien à 100 à l'heure
Depuis lors, leur quotidien de cette famille est rythmé par les visites médicales de leurs fils plusieurs fois par semaine, les soins palliatifs d’Ayoub et toutes les attentions dont ont besoin les enfants. Et le couple travaille dur pour joindre les deux bouts. Si Fadoua s'occupe des obligations domestiques, Nabil, lui, travaille «plus de 12h par jour» pour subvenir aux besoins de la famille. «Au début c’était très difficile pour nous. Ça l’est toujours, mais disons-que nous sommes déjà un peu habitués», relativise-t-elle.
Depuis qu’elle met Ayoub pendant 30 jours par an au centre de soins palliatifs, la jeune maman peut parfois souffler, quand elle ne s’occupe pas d’Adam. «Au début, je culpabilisais. Je me disais que les gens qui vont déposer leurs enfants dans les centres, même 30 jours sur 360, rejettent leur responsabilité», confie-t-elle. «Mais je me suis rendue compte que là-bas, c’est comme un 5 étoiles. Et Ayoub aime ça. De plus, les gens du Centre savent que nous sommes épuisés. Ils nous comprennent», explique la maman qui étale donc sur l’année les brefs séjours de son fils en Centre.
Par ailleurs, le gouvernement québécois a récemment décidé d’augmenter de 947 dollars canadiens par mois l’aide financière octroyée aux familles ayant un enfant lourdement handicapé. Ce qui portera l’enveloppe annuelle à 13 632 dollars contre 2 268 dollars actuellement. Pour les Bassem, cela a été une excellente nouvelle. Ils vont pouvoir enfin s’offrir une maison adaptée qui leur facilitera davantage la vie.
Le manque d'infrastructure et de compétences médicales les prive de vacances au Maroc
Et si ces services sociaux leur allègent conséquemment la tâche, cette famille marocaine donnerait beaucoup pour profiter de bons moments avec leurs proches au Maroc. «C’est vrai qu’ici médicalement parlant, nous avons l’assistance dont nous avons besoin. Mais cela ne remplace pas la présence familiale. Un câlin, quelqu’un qui vous porte sur son épaule pour vous dire : 'je suis là, tu peux compter sur moi', ça nous manque», confie-t-elle émue.
Hélas, difficile pour cette famille MRE d’envisager des vacances au Maroc. Les Bassem s’y sont déjà prêtés et ils ne l’oublieront pas de sitôt. Le séjour était plus qu’un parcours du combattant. «Si nous allons à la plage, il n’y a pas de fauteuil adapté, on doit tenir les enfants dans les bras, c‘est épuisant. Pour la marche, les trottoirs sont étroits. Pour le shopping, pas moyen d’entrer dans les boutiques avec les garçons parce que les portes d’entrée sont souvent petites…», détaille la maman. Le comble, «si mes fils tombent malades, aucun médecin ne veut prendre le risque de les ausculter», ajoute-t-elle.
Les Bassem se contentent donc de communications téléphoniques et des discussions sur les réseaux sociaux avec leurs familles. Mais depuis que les autorités marocaines ont bloqué les appels Whatsapp et Viber, la fréquence de leurs discussions avec leurs proches a diminué. «Ils nous ont un peu compliqué la tâche», glisse-t-elle amusée.
«Chapeau bas» aux mamans marocaines d’enfant malades !
Aujourd’hui, Fadoua Haddadi ne se bat plus seulement pour ses enfants. D’ailleurs avec son mari, ils s’attendent au départ d’Ayoub. «Cela peut arriver à tout moment», affirme-t-elle. «Les médecins nous disaient avant qu’il ne pourrait pas vivre au-delà de 5 ans, aujourd’hui il en a 7. Une pneumonie ou une crise cardiaque peut lui être fatale», explique la jeune dame qui fait tout pour donner à ses fils ce qu’elle a de plus cher : «l’amour d’une mère».
Plus tard, Fadoua envisage de créer une fondation pour venir en aide aux enfants malades au Maroc. «Je tire mon chapeau à toutes ces mamans qui se battent jour après jour pour s’occuper de leurs enfants malades, sans aide», félicite-t-elle, avant d’ajouter : «vraiment, le gouvernement doit penser aux enfants malades et mettre en place un système d’aide pour alléger les parents».