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Grand Angle

Taounate : Des habitants dénoncent la pénurie d’eau potable à dos d'ânes

La ville de Karia Ba Mohamed vibre depuis plus deux semaines au rythme des manifestations des habitants. A dos d'ânes, ils dénoncent la pénurie d’eau qui frappe la contrée au point de priver certaines familles d’eau potable.

Publié
Photo : Compte Facebook de Benjemaa Ahmed
Temps de lecture: 2'

«Les habitants (...) vivent dans des conditions inhumaines. Certains achètent de l’eau en bouteille chez l’épicier, mais tous n’en ont pas les moyens», dénonce à France 24 Jaouad Laaroussi, militant associatif à Karia Ba Mohamed dans la province de Taounate (région de Fes-Meknès).

Les puits asséchés, l'eau du robinet polluée par l'Oued Sebou

C’est à dos d’ânes que des dizaines d’habitants de cette petite ville manifestent régulièrement depuis plus de deux semaines, réclamant un approvisionnement en eau potable. Loin de là l'idée d'un choix hasardeux : c’est à dos d’âne qu’ils se rendent aux puits où ils n’obtiennent pratiquement plus d'eau depuis quelques temps. Et pour cause, Karia Ba Mohamed est l’une de ces contrées du royaume les plus touchées par la sécheresse. Les puits y sont asséchés.

L’eau du robinet, cela fait bien longtemps que les villageois ne compte plus dessus. Elle est imbuvable, car fournie à partir de l’Oued Sebou, ce fleuve dont la pollution a été maintes fois recensée dans des rapports depuis 1993. C'est pourtant un paradoxe de taille qui se dresse dans cette bourgade. La province de Taounate abrite en effet la plus grande réserve d’eau du Maroc et la deuxième d’Afrique : le barrage El Wahda, dont la capacité est estimée à 5,5 milliards de mètres cubes. «C’est quand même affligeant qu’on ait autant de sources d’eau dans notre province et qu’on meurt de soif !», regrette Jaouad Laaroussi.

Un projet étatique bloqué en raison d'un problème d'indemnisation

Le fait est que le projet d’approvisionnement en eau pour toute la région lancé par le roi Mohammed VI en 2010, censé répondre à cette problématique, n’a toujours pas été finalisé. La raison ? Un conflit entre la population et l’administration. Les autorités locales renvoient quant à elles la balle dans le camp des habitants. «Pour mener à bien ce projet, il fallait que 34 kilomètres de canaux d’eau passent dans les propriétés privées d’habitants des provinces de Taounate et Ouazzane. Cela a créé un problème, car certains d’entre eux s’y sont opposés. Ils voulaient être indemnisés par l'Office national de l’électricité et de l'eau potable, qui chapeaute le projet», a expliqué le président de la commune de Kariat Ba Mohamed, Ismail El Hani, à France 24. D’après lui, les indemnisations ne peuvent être versées dans l'immédiat en raison de la lenteur des procédures d’expropriation.

Pour les militants en revanche, ces procédures ne peuvent justifier le manque ou la faible indemnisation des habitants. «Le gouvernement a quand même investi 280 millions de dirhams dans ce projet de barrage. Il serait donc normal d’indemniser les habitants tout de suite après l’expropriation», argue Jaoud Laaroussi. 

«Il est temps de régler le problème de pollution du Sebou»

Dans la foulée de ces manifestations, les autorités locales ont organisé un approvisionnement d’eau par camions. Or, les quantités mises à disposition ne répondent pas aux besoins vitaux quotidiens des habitants.

Selon plusieurs récents rapports d’organismes internationaux, le Maroc - tout comme la plus part des pays du Moyen-Orient - devrait être frappé par une aggravation de la sécheresse au cours des prochaines années. La raréfaction de l’eau et la surexploitation de la nappe phréatique sont les premières causes du non approvisionnement en eau potable de 28 % de la population, souligne encore un rapport parlementaire publié la semaine dernière. Derrière le ras-le-bol des citoyens se cache également la pollution des eaux existantes, comme c’est le cas de l’Oued Sebou.  «Ce problème perdure depuis une vingtaine d’années. Il est temps qu’il soit pris au sérieux par les autorités», a déclaré à Yabiladi l’écologiste Mohamed Benata.

Article modifié le 2016/08/10 à 17h29

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