- Yabiladi.com : Pourquoi avez-vous décidé de manifester demain à Rabat ?
- Faouzi Chaabi : Lors des dernières élections en 2007, il y a eu environ 70% d’abstention. Les manifestations de ce dimanche visent justement à exprimer ce mécontentement. C’est en quelque sorte la deuxième étape de la marche de Casablanca où les 2 millions de personnes ont signifié leur patriotisme, leur attachement à l’intégrité territoriale. Maintenant on veut marcher pour dénoncer ce qui ne va pas en interne. Nous voulons mettre en relief le très faible rendement de nos institutions politiques. La corruption est devenue endémique.
- Vous estimez qu’il y a un système pervers dans nos institutions ?
- C’est simple, nous dénonçons le système de privilèges des gens qui gravitent autour du palais royal. Le roi est en quelque sorte pris en otage par les "Trabelsi du Maroc", des privilégiés qui n’ont aucune honte.
Nous disons stop à cette économie de rente et aux passe-droits de cette aristocratie. 5000 hectares en très peu de temps ont été octroyés à Sefrioui, souvent au dirham symbolique. Comment est-ce possible ?
Nous disons stop aux élus qui s’accaparent les deniers publics en toute impunité. Omar Bahraoui a détourné des fonds publics et maintenant il est au Canada. Le wali est au courant, nous en avons d’ailleurs parlé. Pourtant rien n’a été fait contre lui.
Nous disons stop aux magouilles politiques. Le PAM (ndlr Parti Authenticié et Modernité de Fouad Ali El Himma) qui arrive et qui rentre dans le même système en faisant reculer le Maroc de dizaines d’années dans son processus démocratique.
- Mais pourtant on parle bien de processus démocratique en cours quand on parle du Maroc ?
- Depuis 10 ans le Roi a entamé une mise à niveau des institutions, mais les gens n’ont pas travaillé. La démocratie ne se prescrit pas. Malheureusement les partis politiques sont pourris. Ils ne se sont pas renouvelés. Pourtant le Roi n’a cessé de tirer les sonnettes d’alarme, de pousser au changement mais personne ne veut entendre et comprendre le message. Pour ma part je pense que le Roi est sincère. Donc cette manifestation c’est un message que nous voulons adresser au Roi pour qu’il sente que le peuple est avec lui, mais qu’il est excédé par les corrompus. Ces derniers doivent désormais avoir peur car nous n’en voulons plus.
- Que pensez-vous de la revendication liée au changement constitutionnel pour faire du Maroc une monarchie parlementaire ?
- Le Roi ne doit pas partir car ce sont les autres qui vont prendre la place. Le Roi doit continuer de gouverner. Il faut qu’on change les partis politiques pour les régénérer avec de nouveaux leaders. Les Marocains aussi doivent changer et apprendre la démocratie en ne votant pas pour celui qui donnera le plus gros billet.
- Beaucoup de critiques concernent le timing des manifestations qui arrivent dans un contexte régional explosif…
- Attention, le Maroc ce n’est ni l’Egypte, ni la Tunisie. Mais tant pis nous sommes obligés de le faire dans ce contexte car nous n’avons cessé de répéter les mêmes doléances (pour ma part je l’ai fait au parlement) mais nous n’avons jamais été entendus. Nous devons veiller à ce que cette marche reste pacifique.
- Et concernant les tentatives de récupération également évoquées par les anti-manifestations ?
- Oui, il y aura surement des gens qui voudront récupérer. Oui il y a aura surement des médias étrangers qui voudront utiliser ces manifestations. Mais ce n’est pas grave, ne leur laissons pas l’espace libre. On ne laissera pas les séparatistes occuper l’espace pour le bonheur des médias étrangers qui n’attendent que ça. C’est notre manifestation et les revendications sont claires.
- Mais vous comprenez que certaines personnes soient contre les manifestations ?
- Ecoutez, il y a 3 groupes de personnes :
Il y a les profiteurs du système, mais c’est une extrême minorité. Evidemment ils militent activement pour le statut-quo.
Il y a ceux qui ont peur de sortir par respect pour le Roi. Cela représente un nombre très important. Je vous avoue que j’en faisais partie au début.
Depuis j’ai changé d’avis pour rejoindre le dernier groupe qui sont ceux qui sortent et qui veulent adresser un message fort aux corrompus.
- Comment réagissez-vous à la défection de quelques jeunes qui étaient à l’origine du mouvement sur Facebook ?
- Ils n’ont rien compris. Au contraire il faut rester car on ne doit pas laisser la place.