La Ville verte de Benguerir est-elle devenue réalité, sept ans après son lancement en grande pompe par le roi Mohammed VI ? Coulée verte, université Mohammed VI, lycée d’excellence, 500 hectares de végétation… Les promesses de l’Office chérifien des phosphates (OCP), maître d’ouvrage, étaient nombreuses en 2009.
Aujourd’hui, le premier contact avec la ville est décevant. Si la volonté d’associer la végétation à l’aménagement urbain est évidente, les paysages désertiques qu’offre habituellement la région des Rhamna dominent l’endroit. La fameuse coulée verte a été largement plantée, mais sa position au sud d’une ville encore inexistante en fait une sorte d’oasis éloignée de tout.
On accède donc encore à la ville verte par l’avenue principale du quartier de Hay Moulay Rachid. Pour masquer l’horizon caillouteux, des panneaux verts ont été placés derrière les arbres et les plantes qui bordent l’avenue. Véritables cache-misère, ils masquent également le quartier Ennasser qui ne relève pas de la cité OCP. Laissé à l’abandon, son état contraste avec celui de la ville nouvelle parfaitement entretenue. Derrière le quartier Ennasser, le vaste Centre de compétence industriel flambant neuf de l’OCP est achevé.
Des beaux partenariats universitaires mais des écoles encore presque désertes
Plus loin sur l’avenue principale s’impose un immense bâtiment ocre et muet. Aucune inscription au-dessus de l’entrée ; seulement un panneau masqué recouvert de plastique. La déjà fameuse université Mohammed VI Polytechnique attend toujours son inauguration pour s’afficher.
Comme toute la Ville verte, l’université est développée par l’OCP en partenariat avec des institutions extérieures. Mohamed Benkamoun, directeur du cabinet du président de l’OCP est aussi chef de projet de l’université et vice-président en charge des partenariats. Si cette dernière n’a aucun lien avec l’école d’ingénieur Polytechnique en France, contrairement à ce que suggère son nom, Mohamed Benkamoun a décroché un partenariat avec l’Ecole des mines de Paris.
Il a également réussi à faire de Sciences Po Paris et Sciences Po Aix des partenaires pour la faculté de Gouvernance, de sciences économiques et sociales de l’université. La Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis soutiendra les volets Chimie et Architecture de et la Columbia University le développement de la Business School. Aucune de ces sections n’a encore ouvert.
Seule, l’EMINES - School of industrial management - a ouvert ses premières classes en septembre 2014 : les première et deuxième années du cycle préparatoire intégré et la première promotion du cycle Ingénieur. Les frais de scolarité s’élèvent à 75 000 dirhams par an.
La première classe du mastère spécialisé en management industriel et excellence opérationnelle (MILEO) ouvrira en octobre prochain, moyennant 103 000 dirhams par an et par étudiant. Il faudra ajouter 1 000 dirhams par mois pour une chambre individuelle dans un appartement pour quatre au sein de la résidence universitaire mitoyenne.
Presqu’en face l’université, une route mène jusqu’au Green energy parc conçu en partenariat avec l’Institut de recherche en énergies solaires et énergies nouvelles (Iresen). Ce dernier a apporté 70 millions de dirhams à l’investissement initial, contre 60 millions pour l’OCP. La Coopération internationale a offert les 100 millions de dirhams restant. Opérationnel depuis mars dernier, ce parc de test en conditions réelles pour les technologies solaires s’étend sur huit hectares et dispose de 3 100 mètres carré de laboratoire. Il peut notamment produire des panneaux photovoltaïques en couche mince.
En reprenant ensuite l’avenue principale vers le centre de Hay Moulay Rachid se succèdent une rutilante mosquée et un parc verdoyant parfaitement entretenu avec un espace de jeu pour les enfants. Au-delà la figure du quartier, il ne semble pas avoir changé depuis des années.
De belles villas mais pas encore d’habitants
Saïd Anaoui, retraité de l’OCP depuis 2012 est propriétaire d’une petite villa à Hay Moulay Rachid. «La ville n’a pas vraiment changé. Aujourd’hui, il y a l’université polytechnique et le lycée d’excellence que je n’ai jamais visité mais dans l’ensemble, c’est comme avant», estime-t-il.
Le lycée d’excellence, situé à l’écart, en est encore à ses balbutiements. Près de 200 élèves ont commencé les cours en Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) en septembre 2015 dans les locaux de l’université en attendant que les travaux du lycée soient achevés. Le «Lydex» peine à remplir ses classes. «Faire le choix du lycée d'excellence ne réduit en rien ses chances d'intégrer un lycée public», tente de rassurer le lycée sur son site Internet. La direction a également décidé de supprimer les frais d’inscription en 2016-2017 qui s’élevaient à 2 500 dirhams par élèves. A terme, il prévoit accueillir 3 000 élèves.
Pour accueillir les 90 000 habitants que la ville nouvelle devrait abriter, 23 000 logements doivent également sortir de terre. Actuellement, une partie des Villas Marguerites, joliment arborées, est achevée et protégée des curieux par des gardiens mais n’est visiblement pas encore commercialisée. Une autre partie est toujours en construction. Les villas des chercheurs seraient magnifiques et achevées mais, cachées derrière de hauts paravents, elles restent inaccessibles aux regards. Elles aussi attendent l’inauguration. Interviendra-t-elle avec la COP22 ?