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Grand Angle

Canada : Une Marocaine fait fortune avec le gant de Kessa

Bâtir sa fortune à partir d’une idée, celle de ramener le gant de Kessa du Maroc pour le faire découvrir aux Canadiens, c’est ce qu’a fait Danièle Henkel il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, cette femme d’affaires originaire d’Oujda règne dans le domaine de la beauté dans son pays d’accueil et au-delà. Le chemin a pourtant été pénible et rocailleux pour cette femme qui se réfugie au Canada, fuyant les troubles en Algérie. Retour sur le parcours d’une entrepreneure dans l’âme.

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La «femme d’affaires chouchou des Québécois» ou la «dragonne», depuis son passage en 2015 dans le jury de l’émission de télé-réalité basée sur l’entrepreneuriat «Dans l’œil du dragon», Danièle Henkel cumule les sobriquets. Présidente des Entreprises spécialisées dans le bien-être, la santé et les produits de beauté, elle jouit aujourd’hui d’une renommée internationale. Mais rien ne l’y destinait il y a encore 25 ans.

Née d'une mère Oujdi

Née en 1956 à Oujda, d’une mère marocaine, Danièle ne connaitra pas son père, un soldat allemand membre de l’armée française, disparu à sa naissance. Danièle grandit donc aux côtés de sa mère, Eliane Zenati, une femme d’affaires riche très réputée au Maroc à l’époque. «C’était une femme au grand cœur», affirmait-elle dans une interview au Canada, soulignant que sa mère, juive dans un pays musulman et mère seule avait dû beaucoup se battre dans la vie.

Après quelques temps passés au Maroc, la famille immigre en Algérie voisine, plus précisément à Oran. Danièle grandit et à 18 ans, elle est forcée d’épouser l’ami de son frère ainé. C’est ainsi qu’elle deviendra la femme d’Ahmed Mahieddine, un ingénieur qu’elle apprendra à aimer. «C’était un grand homme, un vrai gentleman, il était généreux, intelligent et très affectueux», confie-t-elle à BBC.

De ce mariage naissent quatre enfants dont trois filles et un garçon. Entre temps, en 1977, Danièle engage une carrière professionnelle en tant que secrétaire de direction chez Pullman Kellogg, une multinationale américaine, puis au consulat des États-Unis. La famille vit paisiblement. Mais entre 1987 et 1989, la montée de l’intégrisme l’inquiète quant à la sécurité de ses enfants. «Il y avait des questions du genre pourquoi ta fille porte le pantalon, pourquoi tes enfants ne parlent pas arabe…». En janvier 1990, Danièle immigre avec sa famille au Canada. Un projet auquel sa mère et son mari sont radicalement opposés au départ, mais qui finit par se concrétiser avec la bénédiction de son beau-père.

Une idée fleurit au milieu de l'adversité

Arrivée au Québec, la vie sera loin de ce que Danielle avait imaginé. La famille vit dans le sous-sol d’un immeuble et les difficultés de son mari à trouver un emploi d’ingénieur créent des problèmes. Le couple finit par divorcer. Entre temps, la jeune mère travaille d’abord dans un centre de services communautaire avant de décrocher un poste de secrétaire de direction chez Claudel Lingerie. Plus tard, elle intègre Entertainment Publications, une entreprise américaine en difficulté dont elle accompagne le redressement. Une fois l’entreprise de nouveau sur les rails, Danièle démissionne car épuisée. C’est alors que l’idée de créer sa propre entreprise commence à trotter dans son esprit. Elle suit plusieurs formations jusqu’à un jour de 1995 où en train de prendre son bain, la jeune femme se souvient des hammams du Maroc et d’Algérie et pense à faire découvrir le gant de Kessa aux Québécoises. «Il n'y avait rien de semblable au Québec [à l'époque]. Mais quand je présentais mon projet, les gens me disaient: ‘’Au Québec, nous portons des gants d'hiver, pas des gants exfoliants’’», se souvient-elle.

Mais se fermant au découragement, la jeune dame tente une première expérience. Elle commande du Maroc et de Chine 2000 gants de Kessa qu’elle baptise «Renaissance» et écoule d’abord en faisant du porte-à-porte auprès des centres d’esthétique. Rapidement, le produit marocain séduit. «Les gens ont tellement aimé mon gant qu’ils ont commencé à me demander plus de produits. C’est ainsi que je compris que j’avais une clientèle», explique Danièle qui, au bout de quelques mois, comptabilisait jusqu’à 100 000 dollars de revenus.

Le Maroc, elle ne l'oublie pas

Quelques années plus tard, cette mère de famille commence peu à peu à récolter les premiers fruits de son labeur. A 43 ans, en 1999, elle est sacrée meilleure entrepreneure de l’année par le Réseaux des femmes d’affaires du Québec et fonde Les Entreprises Danièle Henkel. Et l’activité se limite plus uniquement à la fabrication et la commercialisation des gants de Kessa, mais aussi dans la production de produits cosmétiques, la formation et recherche scientifique. Et tout cela, Danièle le fait entourée de ses enfants. D’ailleurs avec un chiffre d’affaires de 5 millions de dollars en 2012, l’entreprise est sacrée «PME familiale de l’année» au Québec.

La famille commence même à donner régulièrement des conférences sur la gestion d’une entreprise familiale et le «repreneuriat». «Le plus important, c’est de le faire par envie et non pas par obligation. Si on le fait parce que c’est une entreprise qui existe, il y a un confort, on finit toujours par ne pas se sentir très bien. Or il faut toujours aimer ce que l’on fait et en être passionné», expliquait en février 2014 face à la caméra d’Inspiro Média sa fille ainée, Linda Mahieddine, vice-présidente des Entreprises Danièle Henkel.

Aujourd’hui, la fortune de Danièle Henkel se chiffre à plusieurs millions de dollars. Dans son envolée de femmes d’affaires, conférencière…, celle qui pense que sa relève est assurée n’oublie pas ses origines. Elle revient au Maroc de temps en temps et assure retenir du pays de sa mère, la générosité de ses habitants.

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