Les Etats-Unis affichent une ferme volonté pour reconfigurer la carte du monde arabo-musulman. Les clashs avec le Maroc, l’Arabie Saoudite et le tout dernier avec la Turquie, pourtant membre de l’OTAN, sont les principales expressions de cette politique américaine. L’administration Obama a sciemment choisi de prendre des positions contraires sur des questions hautement stratégiques pour ses «partenaires» traditionnels.
Le Maroc : La carte du Sahara
Dans le cas du Maroc, les Américains ont tout naturellement jeté leur dévolu sur le Sahara occidental. Un dossier sensible pour Rabat. Les politiques à Washington en sont totalement conscients. Le 12 avril 2013, le roi Mohammed VI, avait même indiqué, dans un message adressé à Obama, «l'importance que revêt pour le royaume et son peuple la question du Sahara marocain» et avait alerté des «risques qui résulteraient de tout changement du mandat de la Minurso».
Faisant fi de ces mises en garde, les Etats-Unis ont opté pour une nouvelle tactique. Tout a commencé avec la très controversée visite du secrétaire général de l’ONU dans les camps de Tindouf. Ban Ki-moon n’aurait pas eu l’initiative d’effectuer un tel déplacement, même s’il le souhaitait véritablement, sans l’aval de Washington. Il est difficile d’imaginer qu’au crépuscule de son mandat, le Sud-coréen se rappelle enfin de la question du Sahara pour lancer tout-à-azimut une offensive visant à rattraper le temps perdu. Et la crise entre le royaume et les Etats-Unis ne semple pas prête de s’estomper.
Contre l’Arabie Saoudite, l’Iran et les attentats du 11 septembre
Le 14 février 1945, le président Franklin Roosevelt et le roi Abdelaziz, le fondateur du royaume wahhabite, s’étaient réunis à bord du croiseur Quincy pour signer le Pacte de Quincy. Malgré quelques remous, comme lors de la crise pétrolière de 1973, les relations entre les deux pays n’ont eu de cesse d’évoluer et de se développer au point que les investissements saoudiens aux Etats-Unis ont atteint, selon des estimations, 750 milliards de dollars.
Faisant peu de cas de l’importance d’une telle manne, les Américains se sont rapprochés de l’Iran, le plus grand ennemi de Ryad depuis la révolution islamique de 1979. La signature de l’accord sur le nucléaire iranien, le 14 juillet 2015 à Viennes, a officialisé ce rapprochement.
Comme avec le cas du Maroc, la tension américano-saoudienne est appelée à connaitre d’autres rebondissements. La proposition de loi autorisant les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 à poursuivre en justice l’Arabie Saoudite pour son rôle supposé dans l’attaque récemment adoptée par le Sénat ne devrait pas contribuer à améliorer les choses. Et si le texte passait avec succès le cap de la Chambre des représentants, à majorité républicaine, la procédure judiciaire contre Ryad serait sans doute rapidement lancée avec un probable crise diplomatique à la clé.
La carte kurde contre la Turquie
La Turquie est l’un des premiers pays européens à avoir rejoint l’Alliance atlantique en 1952, soit seulement trois ans après la création de l’OTAN. Cette vielle appartenance n’a pas empêché les Etats-Unis de jouer la carte du séparatisme kurde, opposées à Ankara.
La semaine dernière, la chaine Al Jazeera a diffusé un reportage sur la présence de militaires américains en Syrie arborant l’écusson des Unités de protection du peuple (YPG), une milice considérée «terroriste» par la Turquie à cause de sa proximité avec le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan). «Ceux qui sont nos amis, sont avec nous dans l'Otan (...) ne peuvent pas, ne doivent pas envoyer leurs soldats en Syrie avec l'insigne des YPG», a dénoncé Erdogan à l’occasion d’un meeting politique tenu, le samedi 28 mai à Diyarbaki, une ville où se concentre une forte population kurde. Pour le président turc, les YPG et Daesh sont logés à la même enseigne.
Une version que l’administration Obama est loin de partager Vendredi, le porte-parole du département d’Etat a salué le rôle des combattants de l’YPG dans la guerre contre les forces de l’EI.
Ces prises de positions des Etats-Unis hostiles aux intérêts stratégiques du Maroc, de l’Arabie Saoudite et de la Turquie seraient-elles la conséquence du refus de ces trois Etats de s’embarquer dans une guerre terrestre contre les jihadistes de Daesh ? Rabat, Ryad et Ankara, aux côtés de Doha, forment actuellement un axe sunnite qui a décidé de prendre ses distances avec le parrain américain. L’intervention au Yémen contre les Houthis, soutenus par l’Iran et la constitution d’une coalition armée islamiques, sont des signes attestant du fossé de plus en plus profond séparant, désormais, le Maroc, l’Arabie Saoudite et la Turquie des Etats-Unis.