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Grand Angle

Radicalisme et Islamophobie : Le Maroc applique une veille recette pour les MRE

Le ministère chargé des Marocains Résidant à l’Etranger (MRE) a organisé, vendredi 27 mai 2016, un vaste colloque, sur le thème «Le vivre ensemble, entre radicalisme et islamophobie». La majeure partie des recommandations rappelle beaucoup les principes déjà anciens de la politique culturelle du Maroc adressée aux MRE.

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Dessin de Dansky, à Calais. (c)Dansky.
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 «Nous allons créer une valise culturelle pour les MRE en collaboration avec Kamal Kamal [réalisateur marocain, notamment de Sotto Voce, ndlr] avec à l’intérieur trois ou quatre romans d’écrivains marocains, des classiques comme Mohamed Achaari ou Mohamed Choukri, de la musique marocaine avec les albums par exemple d’Abdelhadi Bekhayat et de la peinture – toujours des classiques - : Gharbaoui, Mahi Binebine …», a annoncé Anis Birou, ministre chargé des MRE, en marge du premier colloque «Le vivre-ensemble, entre radicalisme et islamophobie», qu’il a organisé le vendredi 27 mai, à Skhirat, en réunissant plusieurs dizaines de personnalités MRE.

Le colloque avait pour objectif de chercher des solutions pour une communauté marocaine prise en étau entre les attentats successifs en France et en Belgique et la montée de l’islamophobie. Le diagnostic de la situation, tout comme les recommandations ressemblent cependant beaucoup à tout ce que le Maroc a pu mettre en place, pendant des années, pour améliorer l’intégration des Marocains en Europe : centre culturels marocains, invitation au Maroc pour les jeunes MRE … Quoi de neuf ?

«Je pense que les jeunes Marocains qui partent en Syrie, le font notamment parce qu’ils ne connaissent pas leur identité marocaine. Aujourd’hui, les jeunes ne connaissent pas leur histoire et imaginent avoir plus d’affinité avec le Yemen qu’avec l’Europe car ils ignorent même que l’Andalousie a longtemps été arabe, que la méditerranée étaient occidentale à l’époque romaine. Le rôle du Maroc s’est de faire connaître le pays aux enfants de MRE : sa langue, son histoire, sa culture. Les ambassades doivent donner des cours d’arabe», conclut Fatima Omari, avocate à Liège. Des cours que la Fondation Hassan II pour les MRE gère depuis des années, et dont la rareté lui attire régulièrement des critiques.

Miser sur la culture pour contrer la radicalisation

Les intervenants ont cependant focalisé plus particulièrement sur leur rapport à la religion. «En Belgique, les jeunes connaissent un double déracinement : celui de la culture de leurs parents, mais aussi de l’islam sunnite malékite pacifique de leurs parents. L’islam du Maroc pourrait être une source d’inspiration pour la population », estime Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, des Sports et de la Promotion de Bruxelles, au sein du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le Maroc joue pleinement la carte de la diplomatie religieuse en Afrique de l’Ouest, auprès du Mali et du Sénégal en particulier avec le tout nouveau Institut Mohammed VI de la formation des imams, morchidines et morchidates, mais «je ne pense pas que la formation des imams soit la panacée. Parfois l’imam cache la forêt, souligne non sans humour Farid El Asri, anthropologue à l’Université catholique de Louvain et professeur à l’Université Internationale de Rabat. «En Europe, la situation est plus complexe qu’en Afrique de l’Ouest », expliquait-il en mars 2015. «Je pense qu’il faut miser sur le champ de l’éducation, des programmes et manuels scolaires, mais aussi sur le culturel avec le cinéma, la littérature. Les musulmans doivent également devenir les sujets de l’analyse académique pluridisciplinaire qui porte sur l’islam», assure-t-il aujourd’hui.

«Nous sommes aussi coupables parce que depuis les années 1980 nous avons focalisé sur la religion et nous nous définissons aujourd’hui exclusivement comme musulman, renchérit Fouad Laroui, romancier. Nous sommes obsédés à un point obscène à la religion, au point de mêler Dieu à tout, même au football. Le Maroc ce n’est pas seulement l’islam, c’est une culture, la philosophie, la littérature

La conférence s’est donc essentiellement concentrée sur la réponse à donner au risque de radicalisation, plus qu’à l’islamophobie. Le Maroc a en la matière moins de marges de manœuvre. «Le Maroc s’est montré tôt exemplaire en respectant la souveraineté des pays d’installation. Il a inscrit dans sa constitution que les Marocains vivant à l’étranger étaient les citoyens de leur pays d’installation et les vecteurs de la collaboration entre le Maroc et ce dernier», a ainsi rappelé Driss El Yazami, président du CNDH et encore officiellement président du CCME.

«Il est important de souligner que nous réagissons systématiquement et avec fermeté à tout incident islamophobe mettant en danger l’intégrité physique ou morale des membres de notre communauté à l’étranger, a toutefois assuré Anis Birou dans une interview au Matin. Dès qu’un acte est signalé, nos services consulaires et diplomatiques saisissent aussitôt les autorités du pays d’accueil et viennent en aide aux victimes d’actes pareils. Cette aide peut aller, selon les cas, du simple soutien de réconfort jusqu’à l’accompagnement juridique, si la situation l’exige.» Un soutien, s’il a bien eu lieu, particulièrement discrets puisque jusqu’ici personne n’en avait encore eu vent.

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