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Grand Angle

Maroc : Les 5 motifs de déception sur la loi du travail des mineurs

L’adoption hier du projet de loi relatif au travail des mineurs par la majorité gouvernementale à la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants a suscité de nombreuses réactions. L’association INSAF qui mène un collectif de 50 ONG depuis l’année dernière autour de cette question énumère cinq motifs de déception au sujet de cette loi.

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L’âge

Les députés de la majorité ont acté pour le passage de 15 à 16 ans révolu en ce qui concerne l’âge minimum requis pour l’emploi d’une enfant au travail domestique. «Aujourd’hui nous estimons qu’avec la pénibilité du travail domestique, le cadre de travail confiné, l’absence de tout contrôle, l’éloignement de la famille…, il est juste impossible qu’une enfant de 16 ans soit qualifiable pour ce genre d’emploi. Sa place c’est au sein du cocon familial, c’est à l’école», déclare à Yabiladi Bouchra Ghiati, présidente de l’INSAF.

La condition des -16 ans déjà en emploi élucidée

Le projet de loi adopté par la majorité parlementaire ne prévoit aucune mesure visant à mettre un terme à l’emploi des moins de 16 ans actuellement en service. «Dès que la loi présente sera promulguée, leurs employeurs seront hors-la-loi. Mais pensez-vous que ces derniers les renverront auprès de leurs familles ? C’est bien d’interdire, mais encore faudrait-il définir une stratégie pour qu’elles retrouvent leurs familles et reprennent le chemin de l’école. Et dire certains ne connaissent même pas leurs noms de famille…», regrette Mme Ghiati.

Des artifices dans la loi

D’après l’ONG, plusieurs «artifices» ont été introduits dans la loi pour «donner l’impression que le bien-être» des travailleurs mineurs est pris en considération. «On parle d’assistants de travail, inspecteur du travail … la loi interdit de rentrer dans les maisons», fait remarquer la présidente de l’INSAF.

De plus, la majorité parlementaire conditionne l’autorisation de travail des «petites bonnes» mineures par le consentement écrit et dûment légalisé chez les autorités locales des parents ou tuteurs. «Pensez-vous qu’une enfant de cet âge puisse contracter avec les employeurs. Peut-elle connaitre pleinement ses droits et savoir ce qui est bon pour elle ? Une fille de cet âge, ira-t-elle porter plainte lorsqu’elle est abusée, violentée ou violée comme c’est souvent le cas ?», s’interroge Mme Ghiati.

Les avis des institutions nationales et internationales balayés du revers de la main

Face à la grosse polémique soulevée par les différentes mésaventures de «petites bonnes» à travers le royaume (violences, accidents, suicides, mort…), un débat national avait été ouvert autour de la question. Plusieurs institutions tant nationales qu’internationales avaient donné leurs avis, recommandant de relever à 18 ans, l’âge minimum pour l’emploi de travailleuses domestiques. Il s’agissait notamment du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) et l’UNICEF. «Nous avons aussi la constitution ainsi que toutes les conventions internationales ratifiées par le Maroc qui vont dans le même sens. Malgré tout cela, on veut encore mettre en place des lois d’une autre époque», regrette Mme Ghiati.

Légalisation de l’«esclavage déguisé»

Les enfants proposés au travail domestique viennent des classes sociales les plus déshéritées. Leurs familles les y soumettent dans l’espoir d’en vivre. Mais devenues jeunes filles et généralement sans instruction, elles sont vulnérables et finissent généralement en mères célibataires. «Les autorités devraient tout faire pour encourager l’instruction des enfants. Mais au lieu de ça, ils légalisent l’esclavage déguisé», regrette la présidence de l’INSAF.

Depuis l’année dernière, l’association INSAF mène un collectif de 50 associations qui se mobilisent contre le travail des mineurs au Maroc. Elles ont à plusieurs reprises appelé les autorités à faire preuve d’«audace politique» pour mettre fin au travail des mineurs. «Tout le monde est scandalisé par ce projet de loi», assure la présidente. «C’est révoltant. Alors que l’Etat est censé protéger les enfants, il continue de favoriser l’existence de deux types de citoyens. Ces petites filles se retrouvent à travailler pour d’autres fillettes comme elles qui vont à l’école. Ce Maroc à deux vitesses, on n’en veut pas», défend-t-elle, ajoutant que tous les enfants, indépendamment de leurs conditions sociales, doivent être traités de la même façon.

Quand les associations font le travail de l'Etat?

L’INSAF avait, à la base, pour mission de venir en aide aux mères célibataires. A force de traiter les cas de ces jeunes femmes, l‘association a constaté que « 40% d’entre elles » ont un background de « petites bonnes » et ont parfois quitté leurs familles alors qu’elles n’étaient que des enfants. Vulnérables, elles se retrouvent enceintes et abandonnées.

Les travaux de recherche menés par l’ONG lui ont permis d’identifier la zone du Maroc qui envoie le plus d’enfants pour le travail domestique : Chichaoua et ses environs, l’une des régions les plus pauvres du Royaume. La sensibilisation a permis à de nombreuses petites bonnes de retourner en famille et de retrouver le chemin de l’école. Dix ans plus tard, huit d’entre elles ont leur baccalauréat et 85 jeunes filles auront passé le bac en 2020. « C’est normalement à l’Etat d’encourager l’instruction des enfants, pas aux associations », déclare la présidente, Bouchra Ghiati.

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