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Grand Angle

La France plus tolérante... malgré les scores du FN!

Les résultats de l’indice de tolérance 2015 du CNCDH sont plutôt surprenants. Selon cet indice, la France est plus tolérante qu'il y a 3 ans en dépit des actes racistes et d'une série d'événements relevés sur le terrain ces dernières années. Le CNCDH note que la courbe du racisme qui monte en même temps que celle de la tolérance n'est une contradiction. Seulement, des intellectuels mais aussi les récents développements de l'actualité laissent planer le doute sur les limites du rapport. Détails. 

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L'oeuvre "Coexist" du street-artiste d'origine marocaine, Combo (DR)
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L’actualité de ces derniers mois pourrait laisser penser le contraire. Mais, selon un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et à la surprise générale, la France est plus tolérante que jamais, rapporte Le Monde. Le rapport a été réalisé par l'institut de sondage Ipsos, du 4 au 11 janvier auprès d'un échantillon de 1 015 personnes.

«Après quatre années d’affilée de baisse, suivie d’une stabilisation, l’indice longitudinal de tolérance en France marque en 2015 une nette progression vers plus de tolérance, après avoir pris ce chemin plus discrètement en 2014 déjà», a indiqué la présidente du CNCDH, Christine Lazerges. L’indice évoqué par la présidente du CNCDH a été mis au point par le sociologue Vincent Tiberj avec 69 séries de questions et a pour objectif «de mesurer de manière synthétique et rigoureuse les évolutions de l’opinion publique à l’égard de la diversité avec une mesure comparable dans le temps depuis 1990 ». L’indice permet aussi de mesurer la montée des racismes et de la xénophobie.

En 2015, la France a enregistré un score de 64 points dans l’échelle de Vincent de Tiberj, ce qui représentait son 2ème meilleur indice de tolérance dans le top 5 des années les plus tolérantes depuis 26 ans ! Seulement l’échelle avait connu une évolution en dents de scie. Si en 1990, il était de 49/69, l’indice avait grimpé à 66 points entre 2007 et 2008 avant de redescendre  en 2012 à 54 points. En 2015, cet indice longitudinal a grimpé de 10 points. Une évolution attribuée à l’élan consécutif aux attentats de janvier et de novembre 2015. « D’abord, en créant un choc émotionnel, les attentats ont permis un réexamen critique de notre approche du monde», explique la directrice de recherche émérite au Centre d’études européennes de Sciences Po, Nonna Mayer. Elle estime que « ce sont moins les événements en tant que tels qui influent sur les opinions des individus, que la manière dont ils sont “cadrés” par les élites politiques, qui donnent le ton et imposent un récit dominant ».

Contradiction entre montée de la tolérance et monté des racismes ?

Pourtant, malgré cette montée annoncée de la tolérance en France, le rapport a noté une montée dans les racismes. A titre d’exemple, le rapport note que les actes islamophobes ont plus que triplé en France. De 133 en 2014, les actes antimusulmans se sont chiffrés à 429 en 2015. Plus globalement, le rapport note une «hausse conséquente » de 24% des faits délictueux à caractère raciste. En effet, de 1662 en 2 014,  les chiffres sont passés à 2 034 en 2015 pour l’ensemble des actes racistes (toutes communautés confondues).

Les auteurs de l’étude notent cependant que la montée de la tolérance et la hausse des actes racistes ne sont pas contradictoires puisque n’ayant pas les mêmes origines. On pourrait par exemple interpréter les 58% d’actes racistes commis après les attentats comme une réaction immédiate à un événement tragique. Et pourtant d’autres paramètres sont à prendre en compte. Le vote massif de Français pour le FN lors des dernières élections départementales et régionales témoigne peut-être d’un changement de la perception de la tolérance chez les Français. Le parti d’extrême droite à l’origine de plusieurs polémiques et déclarations sur l’islam ou les musulmans ou encore sur les réfugiés syriens, est encore plébiscité de plusieurs intentions de vote. Si on ajoute à cela les récents débats sur la déchéance de nationalité soulevé par la majorité gouvernementale, la question de la mode islamique, du voile à l’université mais aussi les actes de la milice islamophobe de Corse en décembre ravivés par l’incendie d’une mosquée à Ajaccio, des limites à la conformité de l’étude à la réalité observée sur le terrain apparaissent.

Dans un livre intitulé «Islamophobie : comment les élites françaises fabriquent le "problème musulman" », paru aux Editions La Découverte, les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed expliquent la construction de l’islam comme «un problème musulman» en France. Le livre revient également sur les instruments de mesures de l’islamophobie par les différentes institutions dont les chiffres diffèrent à chaque publication. Sur Twitter, Marwan Mohammed salue l’étude du CNCDH  comme étant «utile» mais qui a également «ses limites». En tout cas, l’étude du CNCDH  qui crédite l’avancée de la tolérance en France malgré les actes d’intolérance observés sur le terrain, vient nous bousculer jusque dans nos intuitions. Elle ne manquera sûrement pas de soulever des débats sur sa contradiction.

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