Abdel Lahrour est Belgo-marocain. Il vit dans la ville wallonne de Soignies à une heure environ de Bruxelles avec ses 2 enfants, Hicham, 8ans, et Rayan, 11 ans. Quand la radio américaine WVXU le rencontre sur la Place de la Bourse à Bruxelles, Abdel Lahrour était venu se recueillir avec Hicham et Rayan, après avoir perdu un vieil ami dans les attaques du métro.
Malgré l’heure de route qui le sépare de Bruxelles, il a tenu à être là pour compatir et marquer sa solidarité. «Nous sommes venus soutenir les gens, parce que je pense que c'est honteux, il n'y a aucun autre mot» a-t-il confié à WXVU. «Nous ne pouvons pas comprendre pourquoi ceci est arrivé. C'est pourquoi j'ai voulu amener mes deux enfants ici pour leur montrer ce qu’est la solidarité», a-t-il ajouté.
Mais quand ce Belgo-marocain né à Bouarfa dans la province de Figuig, arrivé en Belgique à l’âge de 5ans avec sa famille, se hasarde dans une explication, il est lui-même confus. Comment dans ce cas peut-il faire comprendre les événements de mardi dernier à ses jeunes enfants qui lui posent tout le temps des questions ? Chez lui c’est l’incompréhension qui domine d’autant plus que plusieurs des suspects sont Belges ou Français d’origine marocaine. «Même nous, adultes, ne comprenons pas. Nous ne savons pas qui sont ces gens, d’où ils sont venus. On nous dit qu’ils sont nés ici. Malheureusement à cause d’eux, les gens nous regardent de haut».
Transmettre par le vécu
Abdel Lahrour regrette également l’amalgame et la peur du Marocain qui commence à monter dans la société. «J’ai vécu ici pendant 50 ans mais depuis les attentats, les gens nous voient d’un mauvais œil. Je sais pourquoi. Ils se demandent comment se fait-il que des Marocains aient fait ceci. Ce ne sont pas des Syriens ou des Irakiens, ce sont des Marocains. Je ne comprends pas», a-t-il confié. «Au-delà de tout, la plupart d’entre eux sont nés ici et ont tout ici, un travail, [les allocations] chômage, des prestations sociales. Pourquoi font-ils cela, pour gagner quoi ?», s’interroge-t-il. La réponse ne va pas tarder à arriver. «Ils n’ont rien gagné. C’est ce que je m’évertue à expliquer à mes enfants. Mais c’est très difficile. Je ne trouve pas les mots».
«Nous sommes sous le choc parce qu’il y a des gens qui confondent ces types avec les musulmans en général. Mais nous n’avons rien à voir ça. Ces types ne sont pas des musulmans, ils sont quelque chose d’autre», lance-t-il. Sur la place de la Bourse où il se recueille en compagnie de ses enfants, Abdel Lahrour a une pensée pour les parents des auteurs des attaques qui ont fait au moins 35 morts et plus de 130 blessés. «Ce sont des gens [les auteurs des attaques] qui ne pensent pas à leur famille, leurs parents. Pouvez-vous imaginer combien leurs parents doivent souffrir à l’heure actuelle ? Pour des parents, c’est le pire. C’est une chose sur laquelle ils n’ont aucun contrôle, c’est impossible».
Malgré leur jeune âge, Abdel Lahrour a emmené ses enfants sur les lieux de recueillement. Ils rentreront ensemble avec sans doute plus de questions que de réponses. Mais le père de famille a transmis à ses enfants la gravité des événements mais aussi le non sens de l’action des kamikazes. Abdel Lahrour a transmis à Hicham et Rayan, un héritage précieux : la solidarité face au radicalisme !