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Grand Angle

Migrants au Maroc : Caritas signe avec l’Entraide nationale

L’action sociale de l’Eglise catholique au Maroc a signé le 21 mars 2016 une convention avec l’Entraide nationale marocaine. Caritas, comme le HCR avant elle, tente de passer le témoin d'une politique migratoire complète à l'Etat.

Publié
(c)HCR
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Lundi 21 mars 2016, Caritas Maroc, l’action sociale de l’Eglise catholique au Maroc,  a signé une convention avec l’Entraide nationale. Elle doit permettre à Caritas de diriger les migrants démunis qu’elle accueille vers les services de l’Entraide nationale en fonction de leurs besoins. «Jusqu’ici notre collaboration avec Caritas était d’ordre ponctuelle», a reconnu Abdelmounime El Madani, directeur général de l’Entraide nationale, et rien n’était acquis pour les migrants. Désormais, aucun migrant, même en situation irrégulière, ne devrait plus se voir fermer les portes de l’organisme public.

«L’Entraide nationale, aujourd’hui, ce sont 4 000 fonctionnaires dispersés sur tout le territoire au sein de 83 délégation territoriales. 365 autres guichets vont être ouverts d’ici 2 ans et ils n’excluront pas les migrants. Une circulaire en 2014 a ouvert nos modules de prestations aux enfants. 800 jardins d’enfants sont ainsi ouverts aux enfants migrants de façon totalement inclusive. Idem pour les femmes en situation difficile. Pour les jeunes, nous sommes en train d’expérimenter un module de réadaptation. 60 jeunes migrants ont ainsi reçu une initiation à la langue et participent aux cours dans l’un de nos centres d’apprentissage », détaille le directeur.

4 000 nouveaux migrants accueillis chaque année

La signature de cette convention est un cap pour Caritas qui est depuis 2005 l’organisme d’assistance aux migrants démunis le plus actif dans tout le Maroc. Ses trois centres d’accueil à Casablanca, Rabat et Tanger reçoit, chaque année, 4 000 nouveaux migrants.

 «Les migrants subsahariens qui arrivent au Maroc veulent souvent passer en Europe, mais un certain nombre est dans l’expectative et se demande s’il va rester au Maroc ou tenter la traversée. Pour eux, la logique veut que ce soit le Maroc qui prennent en charge la santé, l’éducation … car ce sont là les attributs de l’Etat. Dans les années à venir, nous souhaitons en faire moins chez nous [dans les centres de Caritas] et être médiateurs avec les services de l’Etat », explique Edouard Danjoy, directeur de Caritas Maroc.

Caritas veut s’inscrire ainsi activement dans la nouvelle politique migratoire marocaine. En d’autres termes, l’action sociale de l’Eglise veut passer le témoin à l’Etat. «C’est difficile à dire, mais je fais le vœu que les migrants n’aient plus besoin de nous pour avoir accès à leurs droits», a affirmé monseigneur Agrelo, archevêque de Tanger.

Reprise des attributions du statut de réfugié

D’autres organismes ont fait la même analyse que Caritas. Le HCR depuis septembre 2013, ne délivre plus ni carte ni statut de réfugié par lui-même car un bureau des réfugiés et des apatrides (BRA) a été créé pour déterminer au nom de l’Etat marocain qui est réfugié et qui ne l’est pas. Aujourd 618 personnes ont une carte de réfugié du BRA, 1300 demandeurs d'asile ont été recommandées par le HCR à la commission du BRA pour être reconnues comme réfugié, et le dossier de 1819 demandeurs d'asile est en cours d'instruction au HCR.

«Bien sûr le passage par le HCR, puis par la commission ad hoc ralenti le processus d'octroi du statut de réfugié, mais c'est largement préférable à la situation antérieure puisque désormais cette reconnaissance vient des autorités marocaines elles mêmes. A termes, il est prévu de transférer toute la procédure d'asile aux autorités marocaines», explique Antony Berginc. Cependant, alors que le HCR souhaite accorder une protection temporaire sans distinction à tous les Syriens, le Maroc rechigne toujours. La commission ad hoc a auditionné 722 demandeurs d'asile Syriens sur un total de 3000, sans leur accorder le seul statut de réfugié.

Pour certains observateurs associatifs engagés pour le droit de libre circulation, notamment en Europe, la stratégie qui consiste à collaborer avec l’Etat marocain dans le cadre de sa nouvelle politique n’est qu’une façon d’appuyer l’externalisation de la politique migratoire européenne. L’Union européenne souhaite en effet que les migrants s’intègrent dans leurs pays de passage afin qu’ils n’atteignent jamais le territoire des Etats membres. «Chacun a son parcours migratoire et nous ne sommes pas là pour intervenir », a cependant souligné Edouard Danjoy, comme pour prévenir ce reproche ou répondre aux attentes de l’UE.

Le directeur de l’Entraide nationale ne cache pas, de son côté, sa volonté de collaborer avec l’ONG Organisation Internationale des Migration (OIM). «Nous réfléchissons à un programme de retours volontaires. L’Entraide nationale a ses propres moyens financiers et nous allons commencer avec ça», indique son directeur général. En 2015, l’OIM recensaient plus de demandes de retours volontaires que de fonds pour les satisfaire.

Nouvel appel à projets pour les associations

Paradoxalement, cette tendance des organismes engagés auprès des migrants au Maroc à responsabiliser l’Etat a un effet boomerang inattendu. Le ministère des MRE à qui la charge de la question migratoire a été donnée dès l’annonce, fin 2013, de la nouvelle politique, a ainsi tendance à déléguer une partie de sa nouvelle charge aux associations.

En juin 2014, le ministère signait 12 conventions avec autant d’associations marocaines retenues dans le cadre de deux appels à projet concernant l'accompagnement des migrants et la mise en place de classe d'éducation non formelle destinées spécifiquement aux migrants et à leurs enfants. Hier, jeudi 23 mars 2016, le ministère a lancé un nouvel appel à projet au titre de l’année 2016 à destination des associations œuvrant dans le domaine de l’Intégration culturelle et éducative des migrants et de leurs enfants résidant au Maroc. Elles ont jusqu’au 31 mars pour y répondre.

Programme Caritas 2013-2019

Si Caritas veut de plus en plus se positionner comme médiateur, elle n’en abandonne pas pour autant son action sociale en faveur des migrants. Lundi 22 mars 2016, ses membres ont annoncé, dans le cadre du nouveau programme 2016-2019, leur intention d’ouvrir des classes pour les migrants allophones, dédier une équipe à la question des migrants mineurs de plus en plus nombreux et développer un véritable parcours d’intégration économique.

« Le financement des trois prochaines années  est assuré par la Coopération suisse, et allemande, les Caritas d’Espagne, de France et d’Italie, Manos Unidas, Miseror (nouveau contributeur) et les sœurs franciscaines (symboliquement) pour 40 millions de dirhams. Dans un an et demi, nous commenceront à réfléchir à la mise en place d’un nouveau programme », Edouard Danjoy, directeur de Caritas Maroc. Cette fois l’Union européenne est absente du tour de table, alors que pendant le programme précédent 2013-2016, elle avait pourvu pour 1,6 millions d’euros à l’action de Caritas.

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