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Grand Angle

Amnesty et HRW dénoncent les dérives de l'état d'urgence en France

Dans la foulée de la publication du rapport du Défenseur des droits, les ONG Human Rights Watch et Amnesty International se sont fendus de rapports faisant part de leurs inquiétudes face aux dérives de l'état d'urgence et ses conséquences sur les droits de l'Homme en France. Chiffres, témoignages et déclarations à l'appui, les rapports démontrent les abus découlant des mesures appliquées. Au-delà, ils appellent les députés à ne pas prolonger l'état d'urgence et à encadrer de façon plus stricte la loi. Détails. 

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Haro sur l'etat d'urgence ! C'est dans la publication du bilan annuel du Défenseur des droits que les organiisations internationales Amnesty International et Human Rights Watch ont choisi pour pointer les dérives de l'état d'urgence mis en place au lendemain des attentats de Paris. Dans des rapports rendus publics ce jeudi, le Défenseur des droits et les deux ONG internationales s'inquiètent de l'impact de cet état d'urgence au moment même où le parlement va examiner demain lors d'une plénière, le projet de loi sur la déchéance de nationalité pour les binationaux. Deux semaines plus tard, les parlementaires devraient décider de la prolongation de l'état d'urgence.

Plusieurs dénonciations d'abus liées aux mesures de l'état d'urgence

Dans son bilan, le Défenseur des droits, Jacques Toubon a indiqué avoir reçu 42 réclamations en cinq semaines entre Décembre et Janvier. Elles concernent des dénonciations des mesures de l'état d'urgence notamment des perquisitions injustifiées, du manque de preuve, de descentes musclées parfois effectuées à des adresses erronées et d'assignations à résidence. A ce chiffre, il faut ajouter les 180 cas documentés d'assignations à résidence et de perquisitions abusives rélevés par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Pour résumer, Jacques Toubon qui s'est confié à HRW, affirme que ces mesures "visent en réalité une mouvance particulière et des musulmans très pratiquants. Cela peut donner naissance à un sentiment d'injustice et de défiance envers les pouvoirs publics". 

HRW qui a mené en janvier dernier, des entretiens auprès de 18 personnes et auprès de représentants d’associations de défense des droits humains et d’avocats, a rapporté dans un rapport plusieurs cas de perquisitions et des assignations à résidence abusives. Les personnes interrogées expliquent que le plus souvent, la police fait irruption dans leur domicile, restaurants ou mosquées. Dans bien des cas, des biens personnels ont été endommagés, leurs enfants terrifiés et les restrictions imposées si sévères sur leur liberté de mouvements que ces personnes perdent des revenus conséquents (perte d'emplois) ou ont été victimes de souffrances physiques.

«La France a la responsabilité de garantir la sécurité publique et d’essayer d’empêcher de nouvelles attaques, mais la police a usé de ses nouveaux pouvoirs liés à l’état d’urgence de façon abusive, discriminatoire et injustifiéeCes abus ont traumatisé des familles et entaché des réputations, donnant l’impression aux personnes ciblées d’être des citoyens de seconde zone», souligne Izza Leghtas, chercheuse sur l'Europe de l'Ouest à Human Rights Watch.

Un encadrement strict de la loi sur l'état d'urgence

L'organisation de défense des droits de l'Homme indique que "le gouvernement a indiqué qu’il allait demander au parlement de prolonger de trois mois l’état d’urgence. Mais il n’a pas fourni d’éléments convaincants qui pourraient justifier la nécessité de poursuivre l’application de ces mesures à portée très large. En l’absence de tels éléments, le parlement ne devrait pas renouveler l’état d’urgence". Il plaide pour un encadrement judicaire des mesures de l'état d'urgence, notamment des perquisitions qui pourraient passer par une procédure accélerée pour les cas urgents. L'ONG ajoute aussi l'accès rapide à un recours contre les abus de ces mesures. 

La position de HRW trouve écho auprès d'Amnesty International. L'ONG basée à Londres qui s'est fendu d'un rapport de 40 pages ce jeudi, revient sur 3 mois d'application de mesures de l'état d'urgence qualifié de "discriminatoire et de disproportionné". Le rapport d'AI souligne que depuis l'application de l'état d'urgence, les autorités françaises ont conduit 3210 perquistions. Le même rapport indique que plus de 400 personnes ont été assignées à résidence et 12 lieux de culte ont été fermés. Preuve de l'inefficacité de ces mesures 1 seule personne seulement a été mise en examen pour terrorisme, souligne ce rapport. 

Témoignages à l'appui sur son site, AI a lancé une pétition en ligne pour interpeller les parlementaires français de ne pas voter la prolongation de l'état d'urgence. La pétition demande également aux députés et sénateurs d'exercer un contrôle plus strict de nouvelles mesures d'urgences mais aussi d'encadrer la loi sur l'état d'urgence pour veiller à la conformité des mesures avec les droits humains. Amnesty International estime que les mesures mises en oeuvre doivent être proportionnelles et nécessaires. De plus les motifs invoqués pour viser des personnes doivent être plus clairs et fondés sur des éléments de preuves solides et s'appliquer uniquement aux personnes accusées de terrorisme.

Il faut espérer que l'appel des ONG soient entendus par les parlementaires pour ce vendredi 5 février et pour le 26 février prochain. 

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