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Grand Angle

Italie : Une maire accusée de discrimination par la communauté marocaine

Dans la petite commune italienne de San Germano Vercellese, dans la région du Piémont, la maire entend priver certains enfants de balançoires, de toboggans et de repas à la cantine scolaire. C'est la formule trouvée par la mairie pour obliger les parents à payer les taxes communales. Pour les familles concernées dont beaucoup sont d'origine marocaines, cette mesure cache en fait une discrimination qui ne dit pas son nom. La maire esquive et préfère parler de mesure d'incitation "à la bonne conduite civique".

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images d'illustration(DR)
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Mesure d'incitation au civisme pour les initiateurs, acte de discrimination visant la communauté marocaine pour les autres. L'annonce de la maire de San Germano Vercellese, petite commune située dans la province de Vercelli dans la région de Piémont en Italie, a fait couler beaucoup d'encre et de salive, rapporte la presse italienne

Alors que sa commune court derrière 160 000 euros de taxes dues à la commune, la maire de la Ligue du Nord, parti d’extrême droite, Michela Rosetta pense avoir trouvé une formule miracle pour recouvrer les impôts. Cette formule peut se résumer ainsi : si papa et maman n'acceptent pas de payer leurs impôts, leurs enfants ne pourront plus jouer sur les balançoires et les toboggans des parcs de la ville et seront privés de repas à la cantine scolaire. Selon la maire, cette mesure servirait à inciter les mauvais payeurs à plus de civisme et c'est pour elle la seule façon de les faire changer de comportement. 

"Il y a trop de fraudeurs au fisc. Les impôts servent à payer les services et les personnes qui ne paient leurs impôts n'ont pas le droit d'utiliser ces services". En conséquence de quoi, Michela Rosetta compte bien ne plus distribuer des sacs poubelles aux familles en retard sur leurs cotisations. De même, les enfants n'auront plus accès aux aires de jeux et aux installations sportives de la ville, ainsi qu'au théâtre municipal. Selon des chiffres même de la commune d'à peine 1 700 habitants, 180 familles soit 10% de population de la commune, seraient concernées par ces mesures antifraudes destinées à "enseigner le respect des biens publics" et le "civisme". 

Discrimination pour la communauté marocaine, promotion de la bonne conduite civique pour la maire

Mais la mesure de la maire est décriée. Beaucoup la trouve excessive et certains vont même jusqu'à parler de discrimination envers la communauté immigrée. Un conseiller de centre-gauche, Maximo Paiola a même déclaré au journal italien Repubblica que "cette décision est honteuse et déshonore notre ville". Particulièrement importante dans la commune, la communauté marocaine ne comprend pas le rapprochement entre les impôts et les enfants. "Qu'est-ce que les enfants ont à voir avec tout cela? Pourquoi ne devraient-ils pas aller au parc, même si leurs parents ne sont pas en mesure de payer leurs impôts?", s'interroge-t-on. 

"Parmi les familles dont l'accès aux aires de jeux est interdit, il y en a beaucoup qui sont d'origine marocaine", souligne Ahmed Aity, président d'une association culturelle musulmane marocaine. "Il ne convient pas de faire prendre aux enfants la responsabilité de leurs parents. Maintenant [avec cette mesure], les enfants savent qu'ils ne sont pas les bienvenus [dans les aires de jeux]", estime Ahmed Aity. Il ajoute que "beaucoup d'entre nous sont des citoyens italiens et nos enfants aussi mais ce n'est pas la première fois que le conseil [de la ville ] fait preuve de discrimination" envers la communauté marocaine. 

Des arguments réfutés par la maire qui botte en touche les accusations de discrimination. "Cela n'a rien à voir avec la discrimination, mais une mesure visant à promouvoir la bonne conduite civique", réplique Michela Rosetta. "Il y a environ 180 familles aussi bien italiennes que d'origine immigrée qui n'ont pas payé leurs impôts locaux, malgré les avertissements répétés. Ce ne sont pas des gens qui ont perdu leur emploi ou qui sont dans de graves difficultés économiques, mais des personnes [...] connues pour être des fraudeurs en série", martèle-t-elle. 

Ahmed Aity entend bien mener la résistance en promettant des manifestations pacifiques si la proposition de la maire se matérialise. Il a quand même tendu la perche à Michela Rosetta en indiquant avoir demandé à la rencontrer pour discuter des détails de cette mesure. La maire a indique que sa "porte est ouverte" mais elle se veut ferme. Son équipe accepte une médiation avec les familles en difficultés dans cette commune dont le taux de chômage avoisine les 20%. Mais les familles qui n'accepteront pas cette médiation seront toujours concernées par cette interdiction. Il ne reste plus qu'à espérer que les deux parties trouvent un terrain d'entente pour qu'à San Germano Vercellese, les enfants puissent à nouveau jouer dans les parcs et manger à midi à la cantine !

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