Le Maroc a interdit d’accès à son territoire le prêtre jésuite Esteban Velasquez, un religieux qui dirigeait le centre El Baraka de formation professionnelle à Nador, a révélé sur Twitter l’association Prodein ce week-end. Il avait voyagé en Espagne, mais n’a pas pu revenir à Nador où il travaillait également dans l'accompagnement des migrants subsahariens sur délégation de l'évêque de Tanger.
«Plus politique que religieux»
Le prêtre l'a personnellement confirmé au quotidien El Faro, affirmant qu’il attend à Melilla depuis le 11 janvier. Par contre il n’a pas voulu faire de commentaires quant aux raisons qui auraient motivé cette décision des autorités marocaines. Cependant le président de Pro ONG Droits de l'enfant (PRODEIN), José Palazón, a expliqué sur Facebook dimanche qu’Esteban Velasquez est accusé de «prosélytisme» et «atteinte à l’intégrité territoriale».
Mais l’Eglise catholique au Maroc réfute. «Il ne s’agit pas du tout de prosélytisme, pas du tout», indique à Yabiladi un responsable au diocèse de Rabat qui requiert l’anonymat. Rappelant le mot d'ordre de cette confession religieuse qui s'interdit le prosélytisme sous toutes ses formes, il évoque plutôt une «affaire liée à l’accompagnement des migrants». «C’est plus politique que religieux», affirme-t-il.
«C’est très délicat»
Au diocèse de Tanger auquel le père Esteban Velasquez est directement affilié, «il n‘est pas question d’aller trop vite en besogne». «Il n’y a pas de communication avec les autorités. Elles ne nous ont donné aucune raison», assure à Yabiladi le vicaire général père Siméon Ftachera. «C’est très délicat», ajoute-t-il.
D’après lui, ce genre de situation ne l’étonne pas beaucoup. Il rappelle qu’il y a huit ans, un religieux «avait été expulsé» dans des conditions similaires. «Jusqu’à l’heure où je vous parle, les autorités marocaines n’ont toujours pas apporté d’explications», déclare-t-il.
Le père Siméon Ftachera préfère que la presse au Maroc se tourne vers le ministère des Affaires étrangères pour obtenir de plus amples explications sur la situation présente. Mais il se dit certain qu’il sera impossible d’obtenir des informations. «Pour le cas d’il y a huit ans, nous avons été partout même au ministère de l’Intérieur sans jamais parvenir à savoir quoi que ce soit», explique notre source.
Pour ce qui est du lien entre la décision du Maroc et le travail d’accompagnement des migrants fait par le prêtre jésuite, le vicaire général du diocèse de Tanger réfute. «C’est toute l’église qui fait de l’accompagnement des migrants. C’est un travail humanitaire, il y a même beaucoup de Marocains qui travaillent avec nous dans ce sens. Ce qui est certain, c’est qu’il y a d’autres raisons qu’on ignore», estime le père Ftachera.
Un prêtre espion ?
La Communauté jésuite a été représentée au Maroc pendant longtemps, avec notamment une base à Temara où elle avait établi son siège. Mais depuis plusieurs années, cette communauté n’existe plus en tant que telle. Selon le diocèse de Tanger, Esteban Velasquez était le seul jésuite qui restait au Maroc.
Sous cette interdiction de territoire pourrait en fait se cacher une histoire d’espionnage. Selon le quotidien Assabah, dans sa livraison du jour, Esteban Velázquez serait un agent du Centre national d’intelligence (CNI), service de renseignements espagnol. Selon la même source il aurait élaboré des rapports sur les conditions économiques des habitants de la région. Les expulsions d’agents de renseignements espagnols opérant dans le Rif sont fréquentes. Cependant elles passent généralement inaperçues.