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Grand Angle

Terrorisme : Quand une banque fait le travail de la police en Belgique

En achetant un billet dans le Thalys pour se rendre à un gala de charité pour la Syrie, la chercheuse Marie Peltier ne se doutait pas que cette réservation allait enclencher le blocage d'une transaction bancaire. Jusqu'à ce qu'elle reçoive un appel de sa banque qui la somme d'expliquer les motifs de sa réservation. Récit et détails.

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Marie Peltier invitée à intervenir au Gala Syria Charity / Ph : Compte Facebook
Temps de lecture: 3'

Réserver un billet sur Internet pour voyager en Thalys peut être la cause de bien de démêlés avec votre banque en Belgique. La chercheuse et militante pour les droits des citoyens syriens, Marie Peltier en a fait les frais.

Alors qu’elle est invitée à intervenir au gala caritatif de l’ONG Syria Charity au profit du peuple syrien organisé le 17 octobre dernier à Villejuif, la chercheuse réserve ses billets de trains en Thalys. A son retour du gala, l’ONG syrienne décide de lui rembourser ses frais de déplacements et de logement. Seulement la BNP Paribas a bloqué la transaction de 130 euros effectuée par virement bancaire. Il s’en suit une conversation ahurissante entre la chercheuse et la banque comme le relate l’intéressée sur son compte Facebook.

«Bonjour Madame, BNP Paribas au téléphone. Le service de sécurité s'interroge sur l'une de vos transactions. Pourriez-vous passer au plus vite à notre agence ?», ainsi commence la conversation. Etonnée, la jeune femme demande depuis quand la banque sert des demandes d’explications sur les transactions de ses clients. «Il semble que vous ayez réservé des billets Thalys il y a 15 jours. Nous voudrions savoir la raison de votre déplacement», lui dit l’agent au bout du fil. «Cela relève de ma vie privée, je n'ai pas à vous justifier mes déplacements ! », répond Marie Peltier, ahurie. L’agent bancaire insiste : «Ce sont les nouvelles règles de sécurité: pourquoi êtes-vous allée à Paris?». Devant le refus de la jeune chercheuse l’agent se plie finalement. « Ok je vais essayer de leur dire [au service de sécurité] que vous avez simplement réservé des billets parce que vous deviez aller à Paris» répond l’agent. «Quel scoop !» ironise la chercheuse.

Le lendemain, Marie Peltier se rend à sa banque pour demander des explications. On lui explique que c’est le «Service compliance» qui a envoyé un mail à son agence lui demandant de poser toutes ces questions à la chercheuse. Le même service explique que la transaction est venue d’un «organisme non reconnu», «lié à la Syrie» que «BNP Paribas ne voudrait pas être lié à des activités illégales ».

Un échange révélateur du problème des ONG de solidarité avec la Syrie avec les banques belges

Mais au-delà de cet échange problématique, il ya d’autres motifs selon la chercheuse. Depuis 4 ans, les transactions liées de près ou de loin avec la Syrie peuvent être considérées comme suspectes et donc bloquées, explique t-elle. C’est ainsi que les dons destinés aux organismes de solidarité avec la Syrie se retrouvent bloqués dans les banques au prétexte de lutte «anti-terroriste» et de la «légalité». Selon Marie Peltier ces prétextes cachent un double abus de pouvoir de la part des banques. D’un côté, les banques bloquent des sommes importantes destinées au peuple syrien et d’autre part elles s’immiscent dans la vie privée des personnes alors qu’elles sont garantes de la confidentialité des transactions.

Une autre explication est à considérer pour la chercheuse. Le conflit syrien est la source d’amalgames et suscite la peur dans la société belge. «Le conflit syrien suscite une parano généralisée, qui se nourrit de beaucoup d'irrationnel, de beaucoup de culturalisme et de beaucoup de réflexes complotistes. Derrière cela, une réalité : le Syrien en tant que personne humaine digne, plus encore le Syrien en tant que sujet politique, aux yeux de beaucoup, n'existe pas. En d'autres mots, la figure du "Syrien" a été vidée de sa substance humaine, réduite à l'état d'objet» conclut-elle.

Contactée par Yabiladi, Marie Peltier nous explique que l’agent qu’elle a rencontré lui a assuré que le déblocage devrait intervenir dans les 48 heures. Dans le cas contraire, elle contacterait ses avocats pour étudier la suite à donner à cette affaire rocambolesque. 

Un dualisme incompréhensible.
Auteur : taharo
Date : le 05 novembre 2015 à 11h03
Cette affaire nous révèle les deux faces d'un pays dit démocratique où les libertés, en principe, sont reconnues et respectées. Il y a d'abord la face d'un humanisme éclairé où les gens sont sensibles à la détresse et à la souffrance humaines, il y a ensuite la face obscure où " les autre", tous les autres, sont suspectés de nuire aux intérêts des "uns", en particulier les intérêts sonnants et trébuchants des banques
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