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Grand Angle  

Nora Belahcen Fitzgerald : Je veux gagner le prix Women for change pour les marocaines dans la précarité

Dans une semaine, le monde entier découvrira la lauréate du prix «Women for change» 2015 de la fondation Orange. Parmi les cinq candidates en lice cette année figure pour la première fois une marocaine : Nora Belahcen Fitzgerald. D’origine américaine, la jeune femme de 36 ans est née et a grandi au Maroc. Après des études universitaires aux Etats-Unis, elle retourne plus tard dans son Marrakech natal où elle fonde sa famille. Alors maman de 3 enfants, sa rencontre avec une jeune mère mendiante bouleversera sa vie au point d’imprimer en elle cette volonté d’aider les marocaines dans le besoin à devenir autonome. Son projet se concrétise par la création de l’association Amal des arts culinaires en 2013 où, avec son équipe, Nora forme cette catégorie de femmes à la cuisine professionnelle. Dans un entretien, elle revient sur son activité associative et se confie sur sa nomination au prix «Women for change». Interview.

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Nora Belahcen Fitzgerald : Je veux gagner le prix Women for change pour les marocaines dans la précarité
Nora Belahcen Fitzgerald : Je veux gagner le prix Women for change pour les marocaines dans la précarité
Nora Belahcen Fitzgerald : Je veux gagner le prix Women for change pour les marocaines dans la précarité

Yabiladi: Comment l’association travaille-t-elle avec ces femmes ? Viennent-elles d'elles-mêmes auprès de vous ou est-ce l'inverse ?

Nora Belahcen Fitzgerald: Certaines candidates viennent d'elles-mêmes, ayant entendu parler de l'association Amal par le biais de leurs connaissances. Nous avons également des conventions avec d'autres associations à Marrakech, telles que l'Association pour la prise en charge des veuves et des orphelins, ainsi qu’Al Amane, une association d'hébergement pour femmes en détresse. Ils nous proposent des candidates et nous passons ensuite par une procédure de sélection.

Et quelles sont les conditions ?

Les candidates doivent bien sur avoir des documents à l'appui, mais aussi faire preuve d'une motivation pour accéder au cycle de formation qui dure 6 mois. La restauration est un métier qui demande un profil particulier, qu'on essaie d'identifier dès le départ.

Avez-vous des objectifs annuels ?

Oui, notre but est d'offrir cette formation à 30 femmes par an. Depuis le lancement de l'association, en avril 2013, 58 femmes ont suivi le cycle de formation. C'est encore peu, mais on vise d'abord une formation de qualité qui va vraiment impacter le parcours de ces femmes. Elles apprennent des «hard skills» : comment cuisiner professionnellement, et aussi des «soft skills» : comment avoir de la confiance en soi, faire un projet de vie, etc. Et c'est la combinaison de ces deux outils qui leur permet de se lancer dans la vie professionnelle. Et on est très fier des résultats, très fiers d'elles: elles ont pu, dans la grande majorité des cas, s'intégrer dans de bons postes auprès de riads, restaurants ou particuliers avec des conditions de travail dignes et professionnelles.

Vous vous exprimez toujours avec passion sur votre projet. La mise en place était-elle aisée ?

En effet, je suis passionnée par le projet de l'association Amal, qui est avant tout un projet de cœur. C'était assez difficile à mettre en place car tout était nouveau pour moi: les démarches administratives de la création d'une association, le démarrage d'un projet de zéro qui a aujourd'hui une assez grande envergure, la structuration d'une institution, etc. Toutes ces choses ont été un challenge pour moi, et rien n'aurait pu m’y motiver à part un désir profond de créer une institution solide et pérenne au profit d'une tranche de femmes dans le besoin.

Quels sont les défis que vous rencontrez dans l'accompagnement de ces femmes ?

Le défi majeur est d’ordre législatif. Je trouve que la loi ne dispose pas d'assez d’éléments pour protéger les femmes vulnérables. Par exemple, les mamans célibataires sont les oubliées de la société. Il n'y a aucune manière de poursuivre les pères, ni de moyens pour les obliger à reconnaître ces enfants nés hors du mariage, encore moins pour payer leur pensions alimentaires. Les veuves aussi vivent dans une très grande précarité, avec une pension très minime, si pension il y a. La pension alimentaire pour femmes divorcées n'est souvent pas proportionnelle au coût réel de la vie, elle reste à la discrétion du juge. Bref la législation et ceux qui la font ont encore besoin d'encadrement.

Avez-vous le soutien des autorités marocaines ?

Nous avons une bonne relation avec les autorités locales, et nous espérons que cela se traduise en un partenariat concret. L’idéal serait que la municipalité nous aide par l'allocation d'un terrain ou un local qui nous permettrait de pérenniser notre activité.

Si vous obtenez le prix Women for change, comment comptez-vous utiliser votre récompense (25 000 €) ?

Nous voyons que la création de petites entreprises est une solution durable pour certaine de nos lauréates. Cependant, il est difficile d'envisager le risque d'un microcrédit pour une femme qui vit déjà dans la précarité. Donc si je gagne le prix, j'utiliserai l'argent pour leur donner des subventions gratuites. Ce serait pour moi la plus grande joie de leur donner une petite chance au succès. En même temps, nous leurs offrons ce mois-ci une formation en entrepreneuriat, où elles peuvent acquérir les compétences de base pour gérer une micro-entreprise. Nous comptons aussi les accompagner techniquement et moralement tout au long de leur parcours entrepreneurial.

Dès lundi, vous vous envolez pour Paris. Comment vous sentez-vous à quelques jours de l’évènement ?

Ce sera ma première fois en France! J'avoue que je commence à avoir des papillons dans l'estomac (Rires) ! Je suis fière de participer à ce concours en tant que unique et première Marocaine à y être nominée. Mais je veux surtout donner une voix à la femme marocaine vivant dans la précarité. Je demande à tous mes compatriotes de me soutenir en votant massivement sur www.fondationorange.com/Nora-Belahcen-Fitzgerald.

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