Le monde politique marocain n’est pas habitué aux démissions de ses leaders. Ils aiment s’accrocher au pouvoir contre vents et marées. Et lorsqu’ils sont poussés vers la sortie, ils le font à contre cœur avec en contrepartie d'une place honorifique comme un siège dans le «Conseil de la présidence» où se réunissent les «sages». Depuis l’indépendance du royaume, rares sont les secrétaires généraux de formations à avoir quitter leur fonction à la suite de revers politiques. En feuilletant les pages de l’histoire, seuls deux exemples ressortent. Ils concernent tous les deux l’USFP.
El Youssoufi en 2003
Après quatre années passées à la tête du gouvernement dit d’ «Alternance», Abderrahmane El Youssoufi affronta son premier test électoral lors des législatives organisées le 27 septembre 2002. L’USFP était arrivé en tête avec 50 députés à la Chambre des représentants alors que l’Istiqlal de Abbas El Fassi était arrivé deuxième avec 48 sièges. Une petite différence qui s’était traduite par une course entre les deux hommes pour former une majorité avant que le palais ne décide d’intervenir.
Le 9 octobre, le roi Mohammed VI avait fini par écarter les deux hommes en nommant le technocrate Driss Jettou à la tête du gouvernement. Dès lors, El Youssoufi avait pris ses distances de la gestion des affaires du parti. L’officialisation de la rupture totale avec ses camarades au bureau politique n’allait pas tarder à venir. En octobre 2003, dans le sillage de la défaite de l’USFP aux élections communales, il présenta sa démission pour se retirer définitivement de la scène politique.
El Yazghi en 2007
Le retrait d’El Youssoufi va marquer le déclin de l’USFP qui se traduira par un échec cuisant aux législatives du 7 septembre 2007. Le parti de la rose n’arrivera que 5ième en décrochant 38 sièges de représentants. La défaite sonnera comme un complet désaveu de la ligne prônée par Mohamed El Yazghi qui avait succédé à El Youssoufi en 2005 au poste de Premier secrétaire du parti. Sa politique dite d’ «ouverture» n’avait pas du tout eu l’effet escompté.
La fronde commença alors à s’organiser contre le leader du parti. Un courant réformateur animé par des jeunes cadres se forma et lança une pétition pour la «refonte» de l’USFP. Mais avant de rendre son tablier comme la base militante le réclamait, El Yazghi réussit à arracher du conseil national du parti de bénir la participation des socialistes au gouvernement Abbas El Fassi dans lequel il hérita d’un portefeuille de ministre d’Etat sans portefeuille. Deux mois plus tard, il présentera sa démission et convoquera la tenue d’un nouveau congrès pour élire son successeur.
Ahmed Réda Guédira, l’exception
Et les leaders des partis politiques ne sont pas les seuls à s’accrocher à tout prix à leur fonction. Les postes ministériels sont touchés par le même phénomène. Il faut remonter aux années soixante pour tomber sur le cas d’Ahmed Réda Guédira. L’ami de Hassan II avait claqué la porte du gouvernement à deux reprises.
La première fois c’était en 1964. Il comptait ainsi protester contre le projet de loi portant création d’une Cour spéciale de justice. Cette juridiction d’exception était destinée à juger les ministres et hauts fonctionnaires de l’Etat. Le second coup d’éclat de Guédira se produisit en 1969 lorsque le général Oufkir, alors ministre de l’Intérieur, réprima brutalement des manifestations du mouvement estudiantin.