«La vente s’est révélée encore infructueuse», déclare à Yabiladi une source proche de la famille Chaabi. Mardi dernier en effet -14 juillet- lors la troisième séance de vente aux enchères des actions d’Asswak Assalam, filiale de Ynna Holding, seules 35 000 actions ont trouvé prenneurs au prix de 73 dirhams l’unité, sur les 3,5 millions actions saisies par la justice au profit du groupe français Fives FCB.
4 ans de bataille judiciaire
Le litige se déclenche en 2008, lorsque suite à une convention d’investissement signée avec l’Etat marocain, Ynna Holding via sa filiale Ynna Asment octroie à Fives FCB via sa filiale marocaine la construction d’une cimenterie pour plus de 200 millions d’euros. Mais après cela, les choses ne se dérouleront pas comme prévu. La société appartenant à Miloud Chaâbi renonce à réaliser le projet et Fives l’accuse d’avoir «retiré sans préavis un cautionnement de plus de 13 millions d'euros qu'Ynna Holding a refusé de payer».
Face à la réticence du groupe marocain, le groupe français lui adressera une mise en demeure réclamant 10 millions d’euros. Suite au recours à une exécution forcée en Suisse par Fives et après plusieurs péripéties judicaires au Maroc et en Suisse, la justice condamnera Ynna Holding à près de 19,5 millions d’euros de dommages avec 5% d’intérêts à compter du 31 juillet 2009. C’est ainsi qu’à ce jour, la somme à verser s’élève à 25 millions d’euros.
1% des actions vendues, les Chaâbi «découragent» les investisseurs selon la presse
Selon la décision de justice, Ynna Holding devait régler via la vente des actions de ses filiales SNEP et Aswak Assalam. Mais estimées plus fluides, celles d’Aswak ont été privilégiées par Fives FCB. Cependant, depuis la mise en vente des actions de la chaine de supermarchés, très peu de preneurs se sont manifestés. Ainsi, la première séance des enchères s’était soldées par un échec. Pour la seconde, 30 000 actions ont été vendues avant annulation par le tribunal. Et la troisième a vu la liquidation de seulement 1% des actions.
Selon plusieurs médias, la famille Chaâbi ne serait pas étrangère à la réticence des investisseurs à se manifester. Quelques temps avant la séance de mardi, le vice-président d’Ynna Holding, Faouzi Chaâbi, communiquait des informations sensibles, annonçant que l’administration fiscale réclame 550 millions de dirhams à Aswak Assalam et que la commune de Casablanca a décidé de rompre le contrat de bail prévu pour la création d’un nouveau magasin. «C’est la première fois au Maroc qu’un dirigeant communique sur un litige fiscal avant son dénouement», remarquait Médias24 soulignant que cela avait pour but de décourager les investisseurs.
Conflit d’intérêt selon les Chaâbi
En tout cas, mardi dernier, les investisseurs ne se sont pas pressés au tribunal. Les 35 000 actions n’ont trouvé en effet que 3 acquéreurs. La première Laila Laraqui, PDG de Linea Luxe, s’est emparée de 30 000 actions, comme lors de la deuxième enchère. Un certain Adnane Filiali en a achetées 3 000, tandis qu’un homme, dont l’identité n'a pas été révélée à ce jour, s’est offert les 2 000 actions restantes.
Cependant, le groupe Ynna Holding dénonce depuis "un conflit d’intérêt" dans cette affaire. Les soupçons se sont éveillés avec Laila Laraqui. Elle est présentée par la famille Chaâbi comme ayant «une relation particulière» avec Me Asmaâ Laraqui, avocate associée au cabinet Bassamat qui défend le groupe Fives FCB sur ce dossier.
A l’Economiste qui l’a interrogé à l’issue de la séance de vente, elle répond : «cet achat n’est pas contre les Chaâbi. C’est une offre publique, j’ai le droit d’y participer». «J’y ai vu une grande opportunité. […] Le secteur de la grande distribution est porteur», affirme-t-elle. La businesswoman qualifie de «rumeurs» sa prétendue parenté avec Asmaâ Laraqui. Quelques semaines plutôt l’associée de l'avocate, Bassamat Fassi Fihri rejetait cela en bloc. Toutefois, l’Economiste note que «les deux femmes présentent une ressemblance troublante».
L’autre intervenant qui éveille davantage les soupçons des Chaâbi, c’est le deuxième enchérisseur lors de la deuxième séance, le 23 juin dernier : un certain Habib Serati. «Il n’est finalement pas acquéreur», déclare à Yabiladi Faouzi Chaâbi, mais, poursuit-t-il, «il a travaillé pour le cabinet Bassamat de 1992 à 2005. Il a ensuite continué à travailler dans les différentes sociétés appartenant à Asmâa Laraqui». Nous n'avons pas pu vérifier ces éléments auprès de la fondatrice du cabinet Bassamat que nous avons tenté de joindre au téléphone. Le fils de Miloud Chaâbi s’interroge sur l’intérêt poursuivi par Laila Laraqui et Habib Serati. D’autant plus que ce dernier est actuellement gérant de l’Hôtel Art Palace & Spa, appartenant au mari de l’avocate Asmâa Laraqui, comme le confirme à Yabiladi des employés de l’établissement.
«Mensonges»
«Le jour de la vente [ndlr le 14 juillet 2015] nous l’avons vu à l’entrée du tribunal dans une voiture avec les deux jeunes hommes qui ont acquis les actions», affirme Faouzi Chaâbi, arguant qu’il tient pour preuve une «photo» prise sur les lieux. Joint par nos soins pour avoir sa version, l’assistante de Habib Serati insistera juste sur le fait qu’«il n’est pas acquéreur». «Il ne peut pas vous donner des informations», ajoute-t-elle avant de mettre, sèchement, un terme à la communication.
Pour Faouzi Chaâbi, il y a anguille sous roche. «Asmaâ Laraqui a dit qu’elle ne les connait pas [Laila Laraqui et Habib Serati, ndlr] et que ce sont des gens qui sont venus spontanément. Mais c’est un mensonge. Elle les connait très bien et n’a pas le droit de procéder ainsi en tant qu’avocate», affirme-t-il.
Mais dans l’entourage familial, tous pensent que la vente de mardi sera annulée. «Je ne crois pas que le tribunal validera la vente d’1% d'un capital mis aux enchères», confie une source proche. Et si tel est le cas, l’affaire restera au point mort.