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Grand Angle

L’adoption du Maroc de plusieurs directives européennes n’est pas sans risque

La règlementation de l’Union européenne commence à être intégrée au Maroc à travers les normes industrielles, alors même que la convergence règlementaire est débattue au sein de l’accord de libre-échange approfondi ALECA en cours de négociation par le Maroc et l’UE. Ce dossier en apparence technique porte des enjeux politiques et économiques considérables. Décryptage.

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Aujourd'hui, le respect ou non des normes européennes par les exportateurs agricoles marocains fait régulièrement l'objet de débat en Espagne. /DR
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 «La convergence règlementaire, c’est pas un sujet très sexy, mais c’est pourtant un élément central du partenariat entre l’Union européenne et le Maroc», a relevé avec humour, l’ambassadeur de l’Union européenne à Rabat, en ouverture de la conférence organisée sur le sujet par l’EGE de Rabat, lundi 15 mai 2015. La convergence règlementaire est en fait l’élément central de l’ALECA, l’accord de libre-échange approfondi en négociation entre l’UE et le Maroc. Elle est même déjà en cours. «La première directive intégrée a été la directive générale sur la sécurité des produits par la loi 24.09, en 2011. Aujourd’hui, nous intégrons 700 à 800 normes par an. A la fin de l’année, grâce au 7 directives que nous sommes en train d’adapter, nous aurons intégré près de 4000 normes.», révèle fièrement Abdellah Nejjar, directeur de la qualité et de la surveillance du marché, au ministère du Commerce extérieur.

La convergence règlementaire est également au centre du TTIP, le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, négocié au même moment par l’Union européenne et les Etats-Unis. Entre ces deux parties, comme entre l’UE et le Maroc, les droits de douane ont été presque totalement supprimés. Dans ce contexte, pour favoriser encore la fluidité des échanges commerciaux internationaux, il faut réduire les écarts de règlementation. A l’heure actuelle, un objet produit en Europe est à la norme CE, mais ne sera pas nécessairement conforme à la norme américaine pour être vendu sur le marché nord-américain.

«En phase avec les valeurs nationales» ?

Il ne faut pourtant pas s’y tromper. Sous l’amas de détails techniques, et de procédures diverses qui composent ces normes se glissent d’importants enjeux politiques. «Il faudra être vigilant dans le choix des directives que l’on voudra transposer car un ensemble règlementaire, l’acquis communautaire, c’est un mode de pensée, des valeurs et il faut s’assurer qu’elles soient en phase avec la nouvelle constitution avec les valeurs nationales», souligne Nizar Baraka, président du Conseil économique social et environnemental.

En Europe, notamment, les détracteurs du TTIP craignent un nivellement par le bas de la règlementation. Dans un marché normalisé jusqu’au plus haut niveau règlementaire et législatif que deviennent les principes de précaution, l’interdiction des OGM, l’exception culturelle française ou du code du travail ? Au Maroc, les grands enjeux politiques et économiques sont liés à l’écart de développement entre lui et l’UE.

Les produits européens obéissant à des normes plus sévères que les normes marocaines, ils entrent sans difficulté sur le marché marocain. L’inverse n’est pas vrai. Les produits marocains qui ne respectent pas ces normes ne peuvent être exportés en Europe. La convergence règlementaire devrait donc faciliter les exportations marocaines vers l’Europe. Pour le consommateur marocain, l’adoption de la règlementation européenne au niveau national est également un avantage car elle est aujourd’hui plus protectrice et assure des produits de meilleure qualité que les normes marocaines actuelles.

Réduire l'avantage comparatif du Maroc

Cependant, le niveau d’exigence des normes européennes est-il bien adapté aux intérêts et aux capacités d’une économie en développement ? Les pays en développement ont longtemps refusé de négocier à l’OMC «le droit du travail, l’environnement, la compétition … car ils ont peur, à raison, que ces négociations soient l’occasion de leur demander des conditions de production qui minimise leur avantage comparatif. Ils ont peur par exemple qu’on leur demande d’établir des salaires minimum, alors que le bas coût de la main d’œuvre est l’un de leurs atouts», explique Nicolas Imboden, co-fondateur de l’ONG IDEAS, ancien délégué au commerce et ambassadeur de la Coopération suisse avec les pays en développement. Ces sujets appartiennent aux corpus règlementaire et font donc partie, aujourd’hui, des négociations sur l’ALECA entre le Maroc et l’Union européenne. «On ne veut pas de la rigidité européenne au Maroc, on ne veut pas voir notre avantage comparatif amoindri par la convergence», insiste également Jamal Belharach président de la commission sociale de la CGEM

Il n’est pas certain, non plus, que le Maroc ait pleinement les moyens d’intégrer «l’acquis communautaire» soit des milliers de normes dont chacune est aussi épaisse qu’un dictionnaire. «L’acquis communautaire est lourd, complexe, voire inadapté au Maroc. Il a été conçu pendant plus d’un demi-siècle par des pays industrialisés», rappelle Nizar Baraka. Il n’est d’ailleurs pas question de tout adopter à l’identique. «Il appartient aux pays associés de déterminer souverainement leur niveau d’ambition, de reprendre totalement l’acquis ou seulement en partie, dans certains secteurs», explique Michael Kohler, directeur pour le Voisinage sud de la direction générale pour le voisinage et les négociations d'élargissement de la Commission européenne.

«On court derrière un lièvre qui va très vite»

Le Maroc a d’ores et déjà choisi d’adopter plusieurs directives dans le secteur industriel dans la perspective d’améliorer ses exportations. L’administration est ainsi mise à rude épreuve. «Nous avons travaillé longtemps à l’adaptation et aux négociations internes entre les différentes parties prenantes autour de la directrice sur la basse tension pour en adopter les normes, quand on nous a annoncé que l’Union européenne était en train de la revoir ! La difficulté c’est qu’on court derrière un lièvre qui va très vite», regrette Abdellah Nejjar. Pour lui, les échanges entre l’UE et le Maroc ne sont pas suffisamment rapides.

Après l’administration, les entreprises seront les secondes à rencontrer les difficultés liées à la convergence règlementaire. «Il ne faut pas oublier que 95% du tissu économique marocain est constitué de PME. Aujourd’hui, pour elles, les normes sont synonymes de problème», rappelle Jamal Belharach. «Dans le programme européen «Réussir le statut avancé»,  parmi les 190 millions d’euros destinés au Maroc un montant est réservé à l’assistance technique et financière qui doit accompagner l’ALECA», assure Keoler. «Il faut changer de paradigme et engager les partenaires sociaux activement pour qu’ils communiquent auprès des entreprises pour faire comprendre aux gens ce qu’ils ont à y gagner. Sinon qu’est-ce qu’on fait ? On pousse les entreprises dans l’informel», conclut Jamal Belharach.

7 directives sen cours
Auteur : Clem1
Date : le 20 janvier 2016 à 20h52
Quelles sont les 7 directives concernées ?
Ailleurs que l'Europe ?
Auteur : imtiyaz
Date : le 18 juin 2015 à 20h28
Le Maroc ne peut pas trouver autres clients qu'en Europe ? L'Afrique, la Russie, L’Amérique .....


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