Le monde du cinéma européen dénonce la censure de Much Loved au Maroc, ce film de Nabil Ayouch qui parle de la prostitution à Marrakech. Cette décision «encourage les pires attaques des courants conservateurs marocains envers le film, Nabil Ayouch et Loubna Abidar faisant l'objet de menaces de mort sur les réseaux sociaux», déclare le collectif d’environ 80 producteurs et réalisateurs européens vivant en France, selon une dépêche de l’AFP.
Pour rappel, le ministère de la Communication a annoncé lundi dernier l’interdiction de projection de Much Loved au Maroc car le film comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, ainsi qu’«une atteinte flagrante à l'image du Maroc». Dans un échange avec Yabiladi, une source au département de Mustapha El Khalfi expliquait que «les autorités marocaines ne toléreront jamais la projection d’un film qui nuit à l’image du Maroc en le présentant comme étant un pays de tourisme sexuel, de trafic des êtres humains ou d’humiliation de la femme».
«Les autorités marocaines refusent de regarder la réalité en face»
Ces dizaines de producteurs et réalisateurs européens ont signé une pétition de soutien au réalisateur franco-marocain et à l’actrice. «De toute évidence, ce film […] montre une réalité que les autorités marocaines refusent de regarder en face. Pourtant, cette réalité niée ne sera modifiée en rien par cet acte de censure délibérée», a déclaré le collectif, insistant sur le fait qu’il «condamne» la décision de Rabat «avec la plus grande fermeté».
Ces professionnels du cinéma dénoncent également «l'obscurantisme et les violentes atteintes à la liberté que cette interdiction constitue : atteinte à la liberté d'expression, atteinte à la liberté du metteur en scène d'exposer son travail, atteinte à la liberté des spectateurs qui ne peuvent avoir accès au film dans les salles de cinéma marocaines».
Une réalité confirmée par une prostituée
Actuellement, la presse française laisse entendre que le président François Hollande pourrait aborder la censure de Much Loved dans son entretien ce vendredi avec le chef du gouvernement. Mais difficile d’imaginer que Rabat change d’avis. Mercredi déjà, un canular induisait en erreur certains médias arabophones annonçant que le Maroc avait finalement autorisé le film de Nabil Ayouch. Mais le ministère de la Communication a très vite réagit par voie de communiqué pour démentir.
Au Maroc le sujet fait toujours parler. la Chambre nationale des producteurs de films a dénoncé une interdiction «illégale» et «dangereuse pour l’avenir du cinéma marocain», rapporte le Huffpost Maghreb. «La classe politique se voile la face. La prostitution, l’homosexualité et le langage vulgaire sont une réalité vécue au quotidien par de nombreux Marocains. Ce que reflète Ayouch n’est rien d’autre que cela», a pour sa part réagi Hassan Belkady, propriétaire des cinémas ABC, Rif et Ritz à Casablanca. D’ailleurs sur Hit Radio jeudi matin, une prostituée a confirmé la réalité des faits mis en scène dans Much Loved.