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Grand Angle

Much Loved de Nabil Ayouch : Une censure et trois nuances d'hypocrisie [Edito]

Difficile d'écrire sur un film quand on ne l'a pas vu. Par contre certains ont moins de scrupules à appeler à la censure et au meurtre de son auteur, et même censurer le film sans l'avoir vu. Si le film n'a pas été projeté au Maroc, c'est notre inconscient collectif qui s'est retrouvé étalé sur nos petits écrans. Coup de projecteur sur notre hypocrisie XXL. 

Publié
Scène du film Much Love de Nabil Ayouch / DR
Temps de lecture: 3'

Que pensez-vous du film Much Loved ? Un média en ligne a osé ce sondage alors que personne n'a vu le film, hormis les quelques chanceux ayant fait le déplacement à Cannes. En une question, ce site opportuniste a voulu surfer à moindre frais sur la vague d'excitation qui s'est emparée d'une partie de l'opinion publique marocaine. Il n'est pas le seul : médias, artistes, Nabil Ayouch, politiques, religieux, ministres, influenceurs 2.0 en devenir, leader has been...

Tirons sur le messager 

En l'espace de quelques jours, nous avons assisté à un étalage d'hypocrisie qui a débuté sur les réseaux sociaux pour finir chez nos leaders politiques castrés et ayant abandonné leur rôle de locomotive pour la société pour finir remorqués dans le wagon à bétail. A l'origine de ce spectacle, non pas un film mais des extraits soigneusement choisis par Nabil Ayouch pour créer le buzz. Son discours s'appuie sur une volonté artistique de révéler la réalité vécue par les prostituées au Maroc. Noble intention qui a été quelque peu contredite par les scènes choisies, où l'on voit essentiellement du racolage alors qu'il nous vend en interview un regard psycho-sociologique du plus vieux métier du monde. Mais cette petite hypocrisie fait partie du jeu du cinéma. 

Certains se sont mis dans tous leurs états à partir de ces extraits. Pornographie des scènes, vulgarité des propos, le film est jugé obscène et rangé sans aucune forme de procès dans l'immense entrepôt où végètent les innombrables navets du cinéma marocain. Je ne sais par quel miracle, nos 34 millions de sélectionneurs du Mountakhab se sont transformés en critiques de cinéma. Ils n'ont pas encore vu le match en intégralité qu'ils nous livrent déjà le score final. Pourtant Nabil Ayouch, comme l'équipe nationale, a eu ses moments de gloire. On se souvient de ses très bons films comme Mektoub, Ali Zaoua ou plus récemment Les chevaux de Dieu. Mais il ne faut pas oublier aussi ses bides comme Une minute de soleil en moins.

Populisme en confiture 

En parlant de soleil, c'est plutôt l'obscurantisme qui s'est étalé sur la toile, avec l'impressionnisme de départ qui nous a conduit au surréalisme à l'arrivée. Les réflexes pavloviens de nombreux Marocains sont à l'image de la faillite de la raison qui a suivi la longue décrépitude de notre système éducatif. Plus que les scènes jugées obscènes dans les extraits de Much Loved, c'est le zoom sur une réalité de la société marocaine qui nous choque et que nous ne voulons pas voir. Notre hypocrisie a atteint le mont Toubkal : les Marocains sont musulmans, hétérosexuels, tolérants, bénis par leurs parents (مرضي الوالدين), sans oublier la touche carte postale, accueillant, servant du thé à la menthe sous un palmier, avec les dunes de sable en arrière plan. 

Et pour préserver cette image d'Epinal, les patriotes ne manquent pas. Certains de leur propre chef décident d'ester en justice contre le réalisateur du film, quand d'autres veulent carrément croiser le fer avec le nouvel ennemi de la nation. 

Où étaient ces gardiens de la vertu lorsque le film 50 Shades of Grey était diffusé dans les quelques salles de cinéma du Maroc encore en activité ? Où étaient donc l'Istiqlal, le PJD, le ministre de la Communication et le CCM, tous tombés d'accord pour censurer un film marocain ? Prennent-ils leur décision en fonction de la météo de l'opinion publique ? Dans ce cas, pourquoi ne débranchent-ils pas Al Aoula, jugée par une large majorité de Marocains comme une étrangeté venue de la Roumanie sous Ceausescu. 

Hypocrisie BCBG

Dans ce contexte délétère où le pays semble être géré par 34 millions de mokaddems, on peut comprendre le malaise de certains, notamment cette élite, libérale sur les moeurs néanmoins conservatrice sur les aspects politiques et économiques. Ceux-là même qui se sont découverts un élan soixante-huitard clamant qu'il est interdit d'interdire, et qui il y a quelques semaines appelaient à l'interdiction du show de Dieudonné Mbala Mbala qui pourtant venait avec un spectacle modifié et qui se joue régulièrement dans les salles françaises. Ne pas aimer l'humoriste franco-camerounais est légitime - surtout après son flirt au FN et son film nauséabond "L'antisémite". Mais de là à appeler à la censure pour Dieudonné, et invoquer la liberté d'expression artistique dans l'autre, c'est également de l'hypocrisie.

La polémique autour du film de Nabil Ayouch est douloureuse à vivre car loin d'insuffler une dynamique de débat, elle pousse les deux camps dans leurs retranchements, une fuite vers les extrêmes. Les conservateurs n'ont pas aimé cette image plutôt moche de notre société, renvoyée par un film qui joue le rôle de miroir plus ou moins grossissant. Les politiques désoeuvrés et de plus en plus impuissants, font semblant d'avoir leur mot à dire en surfant sur une vague de mécontentement qu'ils ont pris au vol. Et cette élite de plus en plus caricaturale qui n'est démocrate, libertaire, et en faveur des libertés publiques que lorsqu'ils sont les meneurs des combats. Voilà une idée pour un prochain film de Nabil Ayouch, l'hypocrisie XXL présente à tous les étages de notre société. Le casting sera facile, nous sommes 34 millions à vouloir un rôle. 

Article modifié le 2015/05/26 à 18h17

rectifcation
Auteur : MERETA
Date : le 31 mai 2015 à 20h06
le 42 est bien un quartier de prostitution (une rue entière) et j'ai des souvenirs de femmes posant à l'entrée de chez elles en chemise de nuit transparentes.

sur le reste j'ai pas trop compris.
précision.
Auteur : taharo
Date : le 30 mai 2015 à 11h46
Précision : Le célèbre 42 dont vous parlez n'indique pas le nom d'un quartier mais le n° d'une "maison close" se situant dans la célèbre rue Ahl Jamel où la majorité des habitants vivaient paisiblement et honnêtement dans les environs de la célèbre Mosquée d'Ahl Jemal. Seuls les initiés pouvaient y accéder et on ne voyait que rarement les pensionnaires. Elles étaient habillées comme toutes les filles de l'époque. Elles n'avaient aucun signe distinctif.
De toutes les façons, le film ne traite pas de la prostitution au Maroc. C'est un phénomène social qui existe et qui existera dans l'avenir. Le cinéaste fait l'éloge d'une certaine prostitution qui fait les titres des journaux à scandale qui veulent faire du Maroc un pays de débauche sexuel. La vérité de la prostitution est tout autre. Elle concerne en premier la condition de la femme dans la société marocaine. Toutes les lois annoncées en grande pompe concernant la condition de la femme sont des fictions qui n'ont rien à voir avec le quotidien de la gente féminine. Ce film réconforte les extrémiste religieux qui essaient par tous les moyens de freiner l'émancipation de la femme. "voilà où peut mener l'émancipation de la femme". les créateurs d'oeuvre d'art doivent composer avec la société dans laquelle ils vivent, ne pas mettre en danger une partie de la population fragile et avoir une démarche pédagogique capable de faire évoluer les esprits. la seule préoccupation de Mr Ayyouche, à mon humble avis" est de plaire à ses maîtres de Cannes" en exhibant des images qu'ils n'ont jamais vu dans un pays arabo musulman.
DEBAUCHE !
Auteur : AigleRoyalair
Date : le 30 mai 2015 à 10h35
salam

affirmatif,( la romotion de la debauche et de la rostitution,
c est ca l offense a la moralite ,tu le dit deja.
oui l ex ,42, rue boulouiz est connu chez les oujdis.
@mereta,voila un oujdi de souche.
slts

N.B une touche de mon clavier,fait defaut,
excusez l anomalie,merci
Dernière modification le 30/05/2015 11:26
moralité
Auteur : MERETA
Date : le 29 mai 2015 à 21h01
Qui peut me dire en quelques mots qu'elle est la moralité de ce film.
Au passage depuis que j'avais 7 ans j'habitais la médina à Oujda et pour ceux qui connaissent il y avait un quartier qui s'appelait le "42" c'etait le QG des prostitués qui posaient presque nues devant chez elles.

Alors que va-t-on apprendre de nouveau avec ce film.
ce film est la promotion de la débauche et de la prostitution.
Qui doit voir ce film?
Auteur : netstat
Date : le 27 mai 2015 à 19h12
Ceux qui ont fréquenté le milieu de la prostitution au Maroc n'ont pas besoin de voir ce film car ces scènes ainsi que ce langage ils le connaissent, je précise même que les extraits qui ont été choisis reflètent la prostitution de basse à moyenne gamme et pas le haut de gamme où on parle arabe propre, français et même anglais; Par contre les autres doivent le voir (pas en famille) pour comprendre une réalité extérieure existante.

Ce film que l'on craint tant a une portée sociale et politique car il révèle un secteur économique devenu très lucratif auquel il serait presque impossible d'y toucher.
Dernière modification le 27/05/2015 19:14
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