C’est ce mercredi 6 mai, que les habitants de Tizinzou – un petit village situé dans la région de Midelt – devaient tous plier bagage pour libérer les lieux. Campant sur leurs positions, ils dénoncent l’usage de la force par les autorités. «Le gouverneur a envoyé des bulldozers protégés par les Forces auxiliaires» pour démolir près de la moitié des maisons, a confié à Al Jazeera un habitant. L’école avait déjà été fermée, obligeant les enfants à parcourir huit kilomètres à pied chaque jour pour s’instruire. D’après la même source, qui souligne que plusieurs lignes électriques ont également été supprimées, la méthode des autorités «a clairement consisté à nous forcer à quitter».
Indemnisation insuffisante
En effet, la construction du barrage Tamalout a démarré en 2008 et son achèvement implique la destruction des habitations à proximité. Et depuis lors, les villageois n’hésitent pas à manifester pour signifier leur opposition à ce projet. En effet, depuis 2009 jusqu’à présent, ils ont organisé 15 manifestations, se plaignant de l’insuffisance des indemnisations proposées par l’Etat.
D’après les déclarations d’un des habitants à Al Jazeera, les autorités avaient prévu de les indemniser à hauteur de 10 dirhams par m2 de terres agricoles, 6 dirhams pour les terrains résidentiels et 2.450 dirhams par pommier. Plusieurs chefs de famille ont accepté ce compromis, «sous la pression des autorités» d’après la même source. Mais les autres ont entamé un recours en justice. «Un arbre va produire 4.000 dirhams de pommes par année. Nous devrions avoir cette somme sur cinq ans parce que si nous nous dirigeons vers une nouvelle terre et plantons de nouveaux arbres, il faudra attendre cinq ans pour la première récolte de pomme», explique un habitant. Au regard de cela, l’indemnisation proposé par les autorités s’est avérée très faible.
Finalement, la justice a relevé de 10 à 50 dirhams le montant de l’indemnisation pour chaque m2. Mais les villageois n’en sont pas pour autant satisfaits et réclament également d’autres terres où ils pourront s’installer afin que leur tribu ne se disperse.
«Expropriations nécessaires et légales», selon le ministère de l'Energie
Du côté du ministère de l’Energie et des Mines, le problème ne se pose pas. «La construction du barrage est en réponse aux demandes pressantes des agriculteurs de la région qui ont attiré notre attention sur une diminution alarmante de la nappe phréatique de la région», indique à Al Jazeera Mohamed Kettani, fonctionnaire. «Toutes les expropriations étaient nécessaires afin de compléter la construction du barrage. L'école, les maisons et la ligne d'alimentation ont été légalement démolis selon une décision de justice», affirme-t-il ajoutant que «ceux qui ne sont pas satisfaits ont toujours la possibilité de saisir les tribunaux».
Dans cette affaire, les habitants sont soutenus par la section de Midelt de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH). Ce que l’organisation trouve très négatif, c’est la méthode employée par les autorités. «Nous condamnons fermement tout acte qui aille à l’encontre des intérêts des populations de ce village», déclare à Yabiladi Hamid Ait Youssef, membre de l’AMDH à Midelt.
Pour exposer à nouveau leurs doléances aux autorités, les habitants sont allés à Rabat. Mais elles leur ont donné «un délai de trois ou quatre jours pour partir», confie M. Ait Youssef. «Demain [jeudi, ndlr], nous allons envoyer des lettres au ministre de l’Energie et au ministre de l’Intérieur pour que les autorités de Midelt arrêtent de leur faire peur et de les chasser de leurs terres en employant la force», affirme le militant des droits de l’Homme. Le bras de fer continue.