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Grand Angle

Spoliation au Maroc : 65 ans de bataille juridique dans l'espoir de récupérer plusieurs hectares à Casablanca

L’affaire est tout aussi rocambolesque que les multiples cas de spoliations immobilières qui ont défrayé la chronique ces dernières années au Maroc. Plusieurs membres d’une famille européenne, se sont fait spolier leur héritage à Casablanca, constitué de 12 titres fonciers ainsi que des meubles et avoir bancaires. Ils bataillent depuis 65 ans pour obtenir gain de cause. Un avocat ancien juge à la Cour suprême est impliqué. Détails.

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Ils sont Espagnols, Français et Suisses et ont tous hérité de leur parent de biens à Casablanca sur lesquels ils n’arrivant pas à mettre la main depuis plus de six décennies. Tout commence en 1949 quand un enfant naturel, Domingo Perea, reconnu comme héritier décide de spolier ses cohéritiers, les enfants San-Victor, sur la base d’un «faux testament», selon le récit de Stéphane Vabre, gendre de la famille et secrétaire général de l’association Droit et Justice qui défend les victimes de spoliations immobilières de ressortissants étrangers et MRE au Maroc. Ceux-ci résidant en France, en Espagne et en Suisse vont lutter pour garder leurs biens constitués de douze titres fonciers à Casablanca dont un d’environ deux hectares situé au Quartier Cuba. Dès ce moment, ils rentrent dans une bataille judiciaire qui se poursuit pendant plusieurs décennies jusqu’à 1989 où la Cour de cassation leur donne finalement raison, confirmant le jugement en 1991.

Mais il n’y a jamais eu d’exécution. Et pour cause, l’avocat des héritiers San-Victor, Me Mohamed Mechbal qui est un ancien juge à la Cour suprême fait trainer le dossier, «profitant de l’éloignement et de la dispersion géographique des héritiers», selon M. Vabre. «La première chose qu’il aurait dû faire en 1989, c’était de protéger la succession par l’inscription du gage sur les biens. Mais il ne l’a pas fait. Etait-ce une erreur professionnelle ou un acte délibéré ?», s’interroge-t-il, soulignant que la mort en 1998 de Domingo Perea lui donnera une plus grande marge de manœuvre.

Vente fictive

C’est seulement en 2008 que les héritiers ont pu mettre en évidence, avec l’aide d’une juriste, la supercherie dont ils étaient victimes. Me Mechbal avait opéré en 2005 une vente fictive des biens. Son propre fils s’était retrouvé propriétaire, par l’intermédiaire d’au moins une société, de plusieurs titres fonciers de la succession de San-Victor.

Une fois ce constat fait, les héritiers chercheront en vain à rencontrer Me Mechbal. Et cela ne sera rendu possible qu’en septembre 2009. En 2010, l’avocat proposera à la famille un protocole visant à leur verser de l’argent sur les biens «vendus». Seul hic, la somme qu’ils recevront est d’environ 2 millions d’euros. «Pourtant les biens valaient au moins dix fois cette somme, ne serait-ce que par la superficie des terrains et le prix du m2 à Casablanca», révèle M. Vabre. Mais fatigués de lutter depuis tant d’années, les héritiers accepteront en leur âme et conscience de percevoir cet argent par le biais de leur conseillère juridique. Mais ce fût une erreur. Après quelques paiements, Me Mechbal déposera plusieurs chèques sans provision.

La famille avait porté l’affaire en justice et l’avocat a finalement été condamné en août 2014. Après avoir passé quelques temps derrière les barreaux, il a versé les 2 millions d’euros à la juriste au mois d’octobre. Mais jusqu’à ce jour, les héritiers n’ont jamais touché à cet argent. «Ils sont également en conflit avec la juriste, car après 2009 alors que Me Mechbal faisait trainer le dossier, les héritiers avaient demandé à la juriste de changer de stratégie vis-à-vis de l’avocat, mais elle a préféré suivre le rythme de ce dernier», explique M. Vabre.

En attente d’une décision de justice

Le 21 janvier dernier, les nouveaux avocats des héritiers, Me Sonnier et Me Leghlimi Messaoud ont déposé plainte contre Me Mechbal pour faux et usage de faux, conflits d’intérêts, manquements graves de la protection des biens, déni de décision de justice, mains-levée arbitraire de prénotation.

«On attend la suite. Tout le monde souffre dans cette histoire parce que la justice tarde», confie à Yabiladi le cabinet de Me Sonnier. Même son de cloche chez Me Leghlimi «Il n’y a plus rien à faire actuellement si ce n’est attendre la décision de justice». D’après eux, la méthode de Me Mechbal est choquante. «Quand vous avez des étrangers qui prennent un avocat pour les défendre dans une affaire de spoliation et que ce dernier les spolie à son tour en vendant leurs biens à des tiers, c’est grave. Les héritiers n’ont jamais rien vendu, ni rien signé. Le pire dans tout ça, c’est que Me Mechbal a été juge à la Cour suprême», rappelle avec désolation un juriste du cabinet de Me Sonnier.

Le fait est que Me Mechbal est connu dans ce type d’affaire au Maroc. En 2005, il était au cœur d’un cas de spoliation qui a éclaté à Tétouan. Il a également été arrêté et incarcéré à Tanger le 8 avril 2014 pour une affaire similaire. Aujourd’hui, les yeux des héritiers San-Victor restent braqués sur la justice marocaine. Leur cas sera d’ailleurs évoqué dans un numéro à venir de l’émission Grand Angle diffusée sur 2M, consacré à la spoliation immobilière au Maroc qui fait tant de ravages.

spoliation immobilière
Auteur : tangéroisedu béarn
Date : le 20 juillet 2015 à 14h17
Encore un cas ou ceux qui sont censés appliquer la loi , l'enfreignent, ceux qui sont censés rendre la justice la bafoue.Comment dès lors investir dans un pays ou le droit à la propriété n'est pas assuré.Comment se retirer dans une contrée pour y passer sa retraite, si les personnes âgées sont la proie d' escrocs. Le degré de civilisation se mesure à la manière dont l'Etat protège ses citoyens les plus faibles et à sa façon de faire respecter la loi. Sinon c'est Bled Siba et la tentation de faire justice soi même.
Inutile de faire des salons de l'immobilier et de nous faire démarcher par le banques notre argent honnête a été dur à gagner pour prendre le moindre risque .
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