Le rôle d'un porte-parole de gouvernement est de porter la parole du gouvernement (pardonnez cette lapalissade), celui d'un ministre de la Communication est ambigüe pour ne pas dire inutile, comme l'ont souvent rappelé certains journalistes et militants des droits de l'Homme. Une chose est sûre, être à la tête du département de la Communication ne vous immunise pas contre les bévues de communication. Les pérégrinations de Mustapha El Khalfi chez certains médias français, cette semaine, ont rappelé cette douloureuse réalité.
Langue de plomb
Pourtant, l'épreuve RFI, diffusée le 27 février, s'est déroulée sans trop de dommages. Le ministre marocain a répondu à toutes les questions du journaliste en déroulant ses éléments de langage : "la relance, dans le respect, d'un partenariat stratégique, la complémentarité, la réforme, l'ouverture, donc c'est clair". On note cependant un débit de parole saccadé, ce qui indique un montage de l'interview par RFI. Rien de condamnable dans cette pratique qui vise surtout à condenser l'intervention tout en supprimant les "heu...", les répétitions, et autres digressions dont nous ont habitué les communicants.
Chez Europe1, l'exercice était plus ardu car aucun montage n'était possible pour rattraper les couacs. Et pour ne rien arranger, l'émission d'Emmanuel Faux était filmée et a été diffusée sur Youtube le 26 février. Les questions du journaliste étaient assez semblables à celles de RFI, mais avec un ton plus offensif. Comme si Europe1 voulait montrer qu'après l'épisode Jean-Pierre El Kabbach/ Abdelfettah Al Sissi, ses journalistes savaient encore se montrer irrévérencieux.
Au fil des onze minutes d'interview, on assiste à un raidissement de la communication officielle du gouvernement Benkirane. Les éléments de langage qui devaient prendre la forme de virgule, sont devenus des points finaux : "il faut se concentrer sur l'avenir, tourner la page, dans un esprit constructif, un respect mutuel, c'est clair ?!" Pas vraiment. On voit surtout du brouillard et la mer est agitée.
Midnight Express à Casablanca
Le naufrage aura lieu lorsque Mustapha El Khalfi, en difficulté, lâchera "au Maroc, il n'y a pas une politique systématique pour la torture". Une tournure de phrase diplomatique qu'on retrouve dans les rapports internationaux sur la torture au Maroc qui a un double sens pour signifier qu'il existe -ou peu exister- des cas de torture, cependant ces cas n'entrent pas dans une politique systématique d'utilisation de la torture comme ce fût le cas durant les années de plomb. Mais cette déclaration sur une radio française, écoutée pas des auditeurs qui ont du Maroc l'image d'un pays carte postale, est désastreuse. Pour le touriste français féru de cinéma, il est passé de Casablanca (1942), film d'aventure et de romance, à Midnight Express (1978), où le tourisme devient torture.
Mustapha El Khalfi aura bien essayé de rattraper le coup en rappelant les efforts du Maroc en matière de politique publique contre la torture ou la visite du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, Juan Mendez, le mal était déjà fait. Cet épisode médiatique aura été une véritable torture pour le ministre de la Communication. Pour reprendre le nom arabe de la ville de Temara qu'il avait mal traduit en français sur RFI, ce fût une véritable "tamara".