Menu

Grand Angle

Viagra : Cinq milliards ou cinq millions de pilules aphrodisiaques consommées au Maroc ?

L'étonnante information publiée par Al Akhbar relative à la consommation des médicaments de l'insuffisance érectile au Maroc, reprise par plusieurs médias dont l’agence de presse espagnole EFE, a poussé Yabiladi à faire sa propre investigation sur la question. Le journal arabophone rapportait la consommation de plus de 5 milliards de comprimés en 2014, mais selon  l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP), il s’agit plutôt de 5,6 millions de comprimés. Bien que sans commune mesure avec la première estimation, ce chiffre révèle un problème social de fond. Détails.

Publié
DR
Temps de lecture: 4'

«Plus de 5 milliards de comprimés consommés par an au Maroc, c’est trop !», lance Abdelmajid Belaiche, directeur général de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP), en préambule lors de son entretien avec Yabiladi. Il réagit ainsi à la publication du journal arabophone Al Akhbar qui a été repris sans recoupement, par plusieurs médias marocains et même l’agence de presse espagnole EFE.

5,6 millions de pilules bleues en 2014

«Ils ont parlé de 390 comprimés par personne par an, c’est exagéré et irréaliste. Pouvons-nous imaginer que chaque Marocain consomme en moyenne plus d’un comprimé par jour y compris le nouveau-né et les hommes étant sur le seuil de la mort ?, s’interroge cet ancien cadre de l'industrie pharmaceutique qui a derrière lui 32 ans de carrière. Et d’ajouter sous forme d'avertissement : «consommer plus d’un comprimé par jour, augmenterait le taux de mortalité chez les plus de 50 ans».

Les statistiques de l’AMIP font état d’une consommation totale de 2 981 000 boites de pilules contre l'insuffisance érectile en 2014, soit 5 567 000 de comprimés, sachant que chaque boite contient généralement 1 ou 2 comprimés, les boites de 4 comprimés étant rares. A noter que ces produits sont essentiellement constitués de Viagra et ses génériques. S’il faut considérer cette consommation annuelle par rapport à la population masculine, c’est environ 1/2 comprimé en moyenne par personne, par an.

248 millions de dirhams de recettes

Le commerce de ce type de médicament a, quant à lui, rapporté 248 millions de dirhams l’année dernière aux sociétés pharmaceutiques. «Il faut faire la différence avec le chiffre d’affaires des laboratoires qui a été de 139,4 millions de dirhams, auquel il faut rajouter la marge grossiste et la marge pharmaceutique pour obtenir le chiffre d’affaires final», explique M. Belaiche.

Les données de l’AMIP montrent également que les Marocains ont de plus en plus recours aux stimulants sexuels. En effet, sur la période 2009-2014, ils affichent une évolution cumulée en volume de 75%. L’augmentation annuelle moyenne de la consommation en volume est de 15 %, tandis qu’en valeur elle n’est que de 5%. «Cette différence volume/valeur s’explique par l’introduction de produits beaucoup moins chers ces dernières années par rapport au tout premier produit qui était très coûteux», explique M. Belaiche. D’après lui, la pilule du week-end reste l’un des rares médicaments de l'insuffisance érectile qui restent accessibles uniquement aux plus aisés, l’unité étant commercialisée à partir de 258 dirhams. Mais, les génériques du Viagra sont accessibles à partir de 30 dirhams seulement le comprimé.

«Sur la base de fantasmes, les jeunes s’abonnent au viagra au risque – parfois - de leur vie»

D’après Abdelmajid Belaiche, ces chiffres révèlent deux choses pour la société marocaine. «D’une part, cela montre que les Marocains jouissent librement de leur sexualité. Mais d’autre part, c’est d’ailleurs ce qui pose problème, les gens prennent ces comprimés sans faire d’examens préalables, alors que ces produits doivent être consommés sur ordonnance. Certains pharmaciens pour remplir leurs caisses les vendent sans se soucier de ce détail pourtant très important», remarque-t-il. En 2012 déjà pour mémoire, le viagra était le troisième médicament le plus vendu au Maroc. La presse évoquait également le succès du marché noir, mais les statistiques de l’AMIP ne concernent que les sociétés relavant de l’industrie pharmaceutique du royaume.

«Il ne faut pas se voiler la face. Cela veut dire que ces produits ne sont pas utilisés par ceux qui en ont le plus besoin», estime cet ancien cadre de l'industrie pharmaceutique qui a consacré plusieurs années de sa carrière à lever le tabou sur l’impuissance de l’homme au Maroc. D’après lui, «les jeunes en quête de performance» sont les plus grands consommateurs de viagra et autres stimulants chimiques. «Dans ce domaine, les gens fantasment beaucoup. Ils regardent les films érotiques et veulent s’y identifier. On sait très bien que beaucoup de jeunes prennent ces comprimés et vont attendre les petites filles à la sortie du lycée, pour ne citer que ce cas», dit-il.

«Quel intérêt de porter une béquille quand on est totalement valide ?»

Si M. Belaiche a un conseil à donner, il recommanderait aux jeunes ne souffrant d’aucun trouble érectile de s’abstenir d’en consommer de cette manière. «Personnellement, je suis contre tout détournement du médicament, car ne n’est pas sans danger. Si un homme est en bonne santé, il n’y a aucun risque à utiliser le Viagra. Mais pour un cardiaque qui s’ignore, il y a danger de décès», avertit-il.

Selon le directeur général de l’AMIP, la consommation du Viagra et ses génériques au Maroc pose un problème sociétal de fond. «Quel intérêt d’utiliser un médicament destiné à l’insuffisance érectile si l’on n’a pas de problème à ce niveau ? C’est comme prendre une béquille, alors que l’on est totalement valide. Cela n’a pas de sens», explique-t-il. Il souligne également qu’il y a des Marocains qui n’ont pas recours à ces produits mais vivent très bien leur sexualité tandis que certains s’adonnent aux produits d’origine naturelle tels que le jus «Khoudanjale» vendu aux portes des mosquées, ou encore les extraits de «Debbana el handia», efficaces mais toxiques pour les reins.

Abdelmajid Belaiche tient à rappeler que le but premier du Viagra, lors de son lancement au Maroc en mai 1998, était de «rétablir la cohésion dans le couple». «Mais on s’est longtemps occupé des problèmes des hommes au détriment de ceux de la femme», souligne-t-il espérant que la nouvelle pilule féminine lancée sur le marché permettra de rétablir cet équilibre.

Interrogation
Auteur : ambitieux2014
Date : le 01 mars 2015 à 15h38
Je Pense que Yabiladi doit s'interroger sur les vrais raisons qui poussent les hommes à utiliser ces aphrodisiaques. et pourquoi les hommes perdent leurs érections, est ce l'industrie de la pornographie est impliqué dans ce fléau de dysfonction érectile chez l'homme ?
est ce la femme marocaine n'est pas valide pour répondre au fantasme des hommes?
A bon entendeur
Ces journalistes
Auteur : FATEM95
Date : le 28 février 2015 à 17h40
Comment peut-on écrire 5 milliards ? Un rapide calcul donne 14 millions de comprimés consommés par jour. Soit tous les marocains de sexe masculin. On est au minimum qu'on peut demander à un journaliste. Pas besoin de recouper les informations ni d'aller sur un quelconque terrain de guerre. Juste prendre sa calculatrice. Et les autres qui reprennent bêtement l'information. Affligeant !!!
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com