Le CCME réagit officiellement à la polémique lancée par Driss Ajbali au Conseil de l’Europe à Strasbourg [Edito]

Le CCME vient-il brusquement de sortir de sa torpeur ? Alors que le mandat du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger devait se terminer depuis décembre 2012, il est très régulièrement l’objet de polémiques. Que ce soit à propos de l’affaire judicaire Driss Ajbali/Yabiladi, nos révélations sur les frais de fleuristes , le mail de Driss Ajbali parlant de caisse noire, le refus de Driss El Yazami de répondre à la convocation du Parlement, ou les différentes polémiques entre la direction du CCME et les membres nommés par le roi, le Conseil n’avait jamais éprouvé le besoin de réagir publiquement.

Mais cette fois, il semblerait que la sortie du coordinateur général, Driss Ajbali, sur la question de l’islam en Europe ait irrité Abdellah Boussouf, le secrétaire général du Conseil, qui est très sensible aux questions cultuelles en Europe. Dans un communiqué reçu par Yabiladi ce vendredi après-midi, le CCME a tenu à clarifier sa position officielle et lever toute ambiguïté sur la participation de Driss Ajbali au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Pour la direction du CCME, aucune invitation à participer à cette rencontre n’a été reçue, et donc la participation de son coordinateur général ne peut ni impliquer ni représenter le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger.

Le communiqué continue en rappelant que les points de vue du CCME sur les questions culturelles et cultuelles au sein de la diaspora ont fait l’objet de nombreux séminaires et ont été publiés. Une manière polie pour désavouer le très controversé Driss Ajbali. Mais pourquoi cette soudaine réaction du CCME contre son coordinateur général ?

Islamologie pour les incultes

Il faut revenir sur l’intervention brouillonne de celui qui se présente aussi comme un sociologue franco-marocain. Deux saillies verbales ont choqué plusieurs Marocains à l’étranger et associations qui ont exprimé auprès de Abdellah Boussouf, de vives protestations au sujet des propos de Driss Ajbali. Tout d’abord sur l’islam en Europe qui a été présenté par ce dernier comme étant «un islam pauvre, d’ouvriers» avant qu’il ne rajoute qu’ «on a été trop complaisant avec cet islam» qu’il qualifie également d’inculte (à partir de 25’). Ajbali ne précise pas qu’il ne vise que les terroristes mais amalgame ainsi tous les musulmans d’Europe.

Pour quelqu’un qui n’est pas connu pour sa fine connaissance des religions, qualifier l’islam des musulmans d’Europe de pauvre et d’inculte est assez comique. Le sociologue strasbourgeois, membre du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, ne sait-il pas qu’aucun ouvrier musulman «pauvre et inculte» de la première génération de l’immigration maghrébine n’a commis d’attentat terroriste en France ? Rappelons que les attentats dans l’Hexagone ont été principalement le fait de jeunes français (Khaled Kelkal, Mohamed Merah, les frères Kouachi, Amedy Coulibaly).

Parler le rifain, un handicap selon Ajbali ?

Autre dérapage du coordinateur général du CCME, cette fois sur la langue des enfants néerlandais d’origine marocaine. Ces jeunes sont vilipendés par celui qui est censé réfléchir au maintien du lien entre le Maroc et cette nouvelle génération de MRE, parce qu’ «ils ne parlent que le néerlandais ou le rifain» lorsqu’ils viennent en vacances au pays de leurs parents. Curieuse remarque du sociologue, qui plus est, n’a aucune relation avec l’islam. Quelles langues sont-ils censés parler au juste ? Est-ce une tare pour ces jeunes de ne parler «que» leur langue maternelle (le rifain) et la langue de leur pays de naissance (le néerlandais) ? Je ne suis pas sociologue, mais ce nouveau concept de Driss Ajbali, m’a tout l’air d’être une manifestation fulgurante d’une «sociologie du pauvre» pour reprendre son qualificatif.

Vous l’aurez compris, le CCME par ce communiqué a exprimé officiellement son embarras face au nouveau dérapage de celui qui répète à qui veut l’entendre qu’il est directeur du Conseil. La réaction salutaire du Conseil arrive tout de même un peu tard : un mois après l’intervention de Driss Ajbali au Conseil de l’Europe. Autre fait embarrassant pour le CCME, la publication le 25 janvier sur le site officiel de l’institution d’un article titré : «Débat : Driss Ajbali et Caroline Fourest au Conseil de l’Europe». En résumé, le CCME se désolidarise officiellement de l’intervention officieuse de son coordinateur général dans un débat sur l’islam en Europe, pourtant annoncé sur son site officiel. Hum… ! Et bien, une seule question s’impose désormais : Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ?