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Grand Angle

A nouveau victime de censure, Mounir Fatmi déçu de vivre en France ce qui l’a fait quitter le Maroc

Surprise désagréable pour Mounir Fatmi. Alors qu’il avait été contacté pour partager une de ses œuvres avec les passionnés d’art dans le Sud-Est de la France, l’artiste installateur marocain vient d’être censuré afin d’éviter «un faux débat politico-médiatique», justifient les responsables de l’événement. Des raisons que l’artiste juge irrecevables. Détails.

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C’est une lettre qui lui laissera un goût profondément amère qu’a reçu Mounir Fatmi le 10 février dernier. Selon le quotidien Le Monde qui en parle ce lundi 23 février, l’œuvre de l’artiste installateur marocain a été censurée par la Villa Tamaris à La Seine-Sur-Mer.

L’artiste n’avait pourtant pas demandé à participer à cet événement. Il avait été contacté par ce centre d'art contemporain en novembre dernier pour y présenter sa vidéo «Sleep Al Naim» lors d'une exposition prévue en juin prochain et baptisée «C’est la nuit !».

Alors que Mounir Fatmi s’y préparait déjà activement, les responsables de l’événement vont le surprendre en lui annonçant que son œuvre ne sera finalement pas exposée. Mais pourquoi ce repli brutal ? La commissaire Evelyne Artaud prévient tout de suite que cela n’a rien à voir avec «le sens» de la vidéo. «Mais la période [actuelle, ndlr] peut favoriser les utilisations partisanes, contraires, hostiles, de votre travail. Vous nous jetez au milieu d’une polémique dont les enjeux sont brouillés par un incroyable brouhaha politico-médiatique (sur le Web en particulier) qui n’apporterait rien à la compréhension du débat»,a-t-elle expliqué à l’artiste marocain, faisant allusion à l’après attentats de Paris.

Une position soutenue par le directeur du centre d'art, Robert Bonnacors, qui estime qu’actuellement en France, «tout est piégé, tout est sur interprété, mal interprété». «On est dans une espèce d’hystérie et je ne veux pas me retrouver dans un faux débat, alors que l’objet de l’exposition est tout autre. C’est une dérive poétique autour de la nuit sans lien avec l’actualité», argue-t-il, disant avoir mûrement réfléchi avant de prendre cette décision.

Une œuvre déjà censurée en 2012 à Paris

Rappelons que ce n’est pas la première censure qui frappe «Sleep Al Naim» dans la capitale française. En 2012 déjà, l’installation vidéo de l’artiste marocain avait connu le même sort dans le cadre de l’exposition «Vingt Cinq ans de créativité arabe» organisée à Paris par l’Institut du monde arabe. Ici en revanche, c’était l’œuvre elle-même qui posait problème.

«Sleep Al Naim» est en fait une est une œuvre de fiction en noir et blanc inspirée de Sleep, un film de l’artiste américain Andy Warhol. Elle met en scène un homme, modélisé d’après les traits de l’écrivain britannique Salman Rushdie, qui dort et dont le torse, nu, se soulève et s’abaisse au rythme de sa respiration. Et l’auteur n’a jamais caché que son œuvre était un hommage à cet écrivain qui s’était pourtant mis la communauté musulmane mondiale à dos depuis la publication en 1989 des «Versets sataniques», un livre dans lequel il laissait comprendre qu’il ne croyait plus à l’islam.

Déçu

La même année à Toulouse, une autre oeuvre de Mounir Fatmi - «Technologia» - était censurée, car jugée blasphématoire. Et si l’artiste marocain comprenait que certaines de ses oeuvres soient mal vues dans les pays musulmans comme ce fût le cas à Dubaï en 2006, mais il se disait «choqué» que cela arrive en France.

Aujourd’hui, après la décision de la Villa Tamaris, son sentiment est le même. «J’ai quitté en 1999 le Maroc pour cette liberté d’expression que je suis en train de perdre ici, en France», confie au Monde cet artiste quelque peu habitué à voir ses oeuvres susciter la controverse. 

Mounir Fatmi n’est pas surpris par la difficulté de son combat, «mais je ne pensais jamais qu’un jour on pouvait être assassiné en plein Paris à cause d’une caricature, ou que des directeurs de centres d’art allaient censurer des artistes pour éviter toute polémique...», affirme-t-il. L’artiste marocain se dit d’autant plus surpris que «Sleep Al Naim» est actuellement exposé à Genève, sans que cela ne suscite la moindre polémique.

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