La dictature de l'immédiateté, de l'urgence imposée par le temps médiatique et l'impatience des citoyennes et citoyens, nous empêche de percevoir les dangers qui nous menacent. Les jours passent, les corps des victimes sont mis en terre et cet épais brouillard laisse entrevoir une confrontation dangereuse, un choc des sacralités.
Chacun, ébranlé dans sa foi en l'avenir, érige son sacré pour protéger un pan de son identité. Allah et son prophète (sws) pour les musulmans, la shoa et l'antisémitisme pour les juifs, la laïcité et république pour les autres. Et de ce drame est née une nouvelle sacralité, Charlie Hebdo, qui se traduit par : "si tu n'es pas Charlie tu es contre la liberté d'expression". Pour rappel, cette même liberté d'expression était à géométrie variable quand elle fût allègrement foulée des talonnettes sous Nicolas Sarkozy et son alter ego de gauche, Manuel Valls.
Mais ce choc des sacralités a ceci de dramatique qu'elles sont dressées comme autant de barrières hermétiques face à l'autre. Le "nous" englobant devient alors un "nous" excluant qui s'affirme face au "eux". Alors que ces sacralités peuvent aisément s'entremêler au même titre que les identités, nous les voyons comme des boucliers face aux agressions subies par chacun. Par chacun, oui, car personne ne sortira indemne du sillon lentement creusé par la haine et qui vient de bénéficier d'un bon coup de pelleteuse conduit par trois assassins. Et dans cette terre labourée, nous semons les graines de la haine dans le coeur de nos enfants.
Les coups de pelleteuse dans le vivre-ensemble
Les insultes envers l'islam et notre prophète sont encore plus féroces et encore plus abondamment relayées. On peut pour cela "applaudir" la perspicacité des vengeurs du prophète faisant passer la diffusion d'un journal satirique de 40 000 exemplaires à 5 millions. Les actes islamophobes se multiplient aussi, rappelant que l'offense picturale peut très bien s'accompagner de violences physiques. La judéophobie de son côté se propage créant l'effroi au sein de la communauté juive de France. Le gouvernement israélien profitant de cette opportunité -comme il l'avait fait dans les pays arabes dans les années 60- pour renforcer la Alya (émigration en Israël) et par voie de conséquence l'extension de la colonisation en Palestine. Enfin la liberté d'expression et plus largement les libertés individuelles, sacralités d'un État de droit, d'une nation démocratique qui au delà des discours rassurants, subissent et risquent encore de subir de douloureux coups de canif. Ils sont l’œuvre de ceux-là même qui ont dirigé la marche de dimanche contre les assassins de la liberté d'expression.
Dans les jours à venir, la vigilance sera essentielle face aux intellectuels, politiques et médias qui joueront les Cassandres et titilleront les identités et les sacralités pour mieux nous dominer. On a déjà goûté quelques échantillons avec Nicolas Sarkozy, Philippe Tesson ou Nadine Morano. On rêvait d'union nationale, ils veulent imposer l'unité nationale dans son sens le plus régressif en gommant tout, nos identités, nos sacralités et nos libertés, à tous.