Pétrole à moins de 60$, le Maroc pourrait gagner entre 2 et 5% de son PIB ?

Il y a encore deux semaines, le cours du baril de pétrole était d’environ 67,27 dollars. Aujourd’hui, il est à 54,17 dollars, contre 108 dollars en juin dernier. Une tendance baissière qui pourrait faire gagner au Maroc l’équivalent de 2 à 5% de son PIB (2,088 à 5,2 milliards de dollars), selon l’estimation faite par Ian Bremmer, professeur à l’université de New York dans sa cartographie mondiale des gagnants et perdants de la chute du cours de l’or noir, élaborée sur la base de données du Fonds monétaire international (FMI) et l’Agence internationale d’énergie (AIE).

Oil below $60, who benefits & who takes the hit? Here's a map: pic.twitter.com/WJAiMQUc4r

— ian bremmer (@ianbremmer) 13 Décembre 2014

Depuis, c’est la première fois que l’on estime globalement le gain du royaume par rapport à l’ensemble de son économie. Toutefois, dans un article récemment publié, Yabiladi montrait que rien qu’au mois de décembre, le Maroc pourrait économiser près d’un milliard de dirhams sur sa facture pétrolière.

Ian Bremmer ne livre pas les détails de sa cartographie, mais l’économiste Marocain Najib Akesbi tient à préciser le gain pour le royaume est à la fois direct et indirect. Direct via les importations qui pèseront moins lourd dans la balance commerciale, ainsi que les économies sur le budget puisque la loi de finances 2014 prévoit l’achat du baril à 105 dollars, soit près de 50% de plus que le prix actuel. «Dans ce cas, le calcul du gain est relativement facile», indique l’économiste ajoutant que le gain indirect est par contre plus complexe, «même macro-économiquement, parce que le coût de l’énergie dans la structuration des biens et services utilisés dans l’économie peut avoir des effets plus diffus». M. Akesbi est d’avis que le gain du Maroc est une évidence, mais pour ce qui est de son estimation exacte, l’homme se veut prudent insistant sur le fait que le calcul du gain indirect pour l’économie marocaine prend en compte beaucoup trop d’éléments.

«Manque de transparence» de la part du gouvernement

«Il ne faut pas oublier que le dollar aussi suit une tendance baissière, donc pour le Maroc c’est une baisse cumulative. D’une part le dollar et d’autre part le pétrole acheté en dollars», remarque pour sa part l’économiste Mohamed Chiguer. Lui aussi ne se prononce pas sur une estimation du gain marocain, mais se dit certain que le royaume gagnerait beaucoup plus qu’actuellement s’il avait gardé l’ancien mécanisme classique de la compensation. «Le gouvernement a préféré l’indexation pour être un bon élève du FMI. Pourtant même si la baisse du cours sur le marché international implique une baisse du prix à la pompe, celui-ci n’est pas proportionnel au marché international», remarque l’économiste. Il explique en effet que si Rabat respectait point par point le principe de l’indexation, en cas de baisse de 2% du cours du baril, le prix dans les stations-services du royaume devrait également baisser de 2%.

«Le grand problème c’est qu’il n’y a pas de transparence de la part du gouvernement. Lorsque le cours était élevé, il n’arrêtait pas de répéter qu’il en supporte la charge chiffrée à des millions de dirhams. Mais maintenant que c’est le contraire, Rabat ne dit rien», déplore M. Chiguer. D'après lui, ce n'est pas un universitaire aux Etats-Unis qui devait nous renseigner sur les potentielles économies que feraient le Maroc grâce à la dégringolade du prix du pétrole, mais plutôt les autorités.

«C’est maintenant que Rabat doit agir»

Quoi qu’il en soit, les deux économistes reconnaissent que la baisse des prix est «une bonne chose», puisque le consommateur y trouve tant bien que mal son compte. Mais selon eux, le gouvernement ne doit pas considérer cela comme un acquis. «Pour l’instant, on est heureux. Il ne faut cependant pas oublier que la situation actuelle est principalement due au différend entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ainsi que les Etats-Unis. Si Demain Riyad change sa position, les prix repartiront à la hausse, aussi brutalement qu’ils ont baissé. Que fera-t-on à ce moment-là ?», s’interroge l’économiste. «On a rien qui nous prémunisse d’une éventuelle flambée des prix. C’est maintenant qu’il faut agir», martèle-t-il estimant qu’il faut complètement régler le problème de la caisse de compensation.

Et ce n’est pas le Premier ministre, Abdelilah Benkirane, qui dira le contraire. Devant les parlementaires le mois dernier, il a critiqué les gouvernements précédents disant que ces derniers n’avaient pas osé clairement affronter le problème de la caisse de compensation, «alors que le prix du baril du pétrole ne dépassait pas les 10 dollars et que la réforme n’aurait couté que quelques milliards de dirhams». Avec la chute historique actuelle du cours de l’or noir, le gouvernement Benkirane peut se vanter d’avoir allégé la charge du consommateur, mais pour combien de temps ?