Emballement médiatique autour d’un « faux » gros investissement saoudien au Maroc ?

«Un consortium Arabie-Saoudite/Etats-Unis va investir 1,3 milliard de dollars au Maroc». C’est l’information publiée samedi dernier par Arabnews citant un communiqué de Khaled Al-Dosari, PDG de Knowledge Corner, une société saoudienne membre dudit consortium.

Ce dernier a en effet annoncé avoir signé un accord d’investissement avec le directeur du CRI du Souss-Massa-Draa, Khalil Nazih, et le gouverneur de Taroudant, Fouad Mhamdi, pour financer des projets d'investissement dans le tourisme, les loisirs, et les secteurs de conditionnement physique de la santé, réalisés sur un terrain de 8,7 millions de m² dans la province et devant générer 2500 à 3000 emplois, selon la même source. En guise d’illustration de l’article, Arabnews a publié une photo de Khaled Al Dosari serrant la main au gouverneur de Taroudant, tous deux devant des documents comme si l'affaire venait d'être conclue.

«Non, nous n’avons rien signé»

La nouvelle est énorme, d'autant plus que le budget d'investissement qui, en monnaie locale se chiffre à plus de 11,6 milliards de dirhams, représente environ 163% du PIB de la région. Très vite, l’information sera reprise par plusieurs médias de la zone MENA avant qu’un site marocain ne s’y mette ce matin. Cependant, Il s’avère que les Saoudiens sont allés trop vite en besogne.

Au CRI du Souss-Massa-Draa, les responsables ont appris la nouvelle ce matin en lisant la presse électronique. «Comme vous, je viens de lire cette information», affirme à Yabiladi Abdelaziz Ingadi, Chargé de mission investissement au CRI régional. «Par rapport à notre mission en tant que gestionnaires de l’investissement dans la région, nous n’avons rien reçu d’officiel, même pas un dossier déposé pour obtenir un accord d’autorisation», ajoute-t-il, nous renvoyant auprès de la province qui pourrait en savoir plus.

Mais le gouverneur de Taroudant, contacté par nos soins, se montre plutôt surpris. «Non, nous n’avons rien signé», dément-il. M. Mhamdi a effectivement rencontré le saoudien Khaled Al Dosari, mais il n’y pas eu de conclusion d’accord. «Il y a environ un mois, un Saoudien s’est présenté à mon bureau disant qu’il fait partie d’un consortium qui souhaite investir [à Taroudant] dans une unité de production de préfabriqué en béton et un parc de jeu comme Euro Disney [aujourd’hui Disneyland Paris, ndlr], relate le gouverneur. Je lui ai dit que nous sommes ouverts à cela et que leur investissement est le bienvenu à condition de respecter toutes les clauses émises par la loi. Il a demandé un PV de rencontre pour qu’il puisse prouver au consortium qu’il a rencontré les pouvoirs publics au Maroc. Ce que je lui ai donné. Et ce n’est autre que cela».

«Je l’ai reçu comme je recevrais n’importe quelle personne qui demanderait à me rencontrer»

Pourtant, l’annonce du Saoudien Khaled Al Dosari est si détaillée et précise que cela suscite des interrogations. Mais le gouverneur de Taroudant réitère ses dires. «Je l’ai reçu comme je recevrais n’importe quelle personne qui demanderait à me rencontrer. Il n’y a donc jamais eu de signature d’accord», insiste-t-il. M. Mhamdi fait d’ailleurs remarquer que cela ne relève pas de ses fonctions et qu’il y a beaucoup d’intervenants dans la signature d’un accord pour que cela puisse se faire de cette manière.

Qui est donc cet homme d’affaire Saoudien ? La société qu’il dirige, Knowlegde Corner, est présentée comme étant une société spécialisée dans la mise en relation avec des investisseurs du Golfe et basée à Riyad. Cependant, ni lui ni son entreprise n’ont de trace sur le net. On pourrait supposer que cette dernière est nouvellement créée. Toutefois, tout cela laisse dubitatif, d’autant plus que les autres membres du consortium américano-saoudien restent méconnus.

Le Maroc attire de plus en plus les investissements directs étrangers (IDE), mais force est donc de constater que certains essaient d’en profiter pour créer le buzz et faire parler d’eux. Cette affaire rappelle le délire de l'investissement d'une association allemande à Taounate l’an dernier qui avait été repris par l'Economiste, ou encore le projet de ville nouvelle à Dakhla annoncé en 2012, lequel devait être financé à hauteur de 40 milliards de dollars par une société suisse fondée en 2009 par un Saoudien. Après ces deux faux investissements strastophériques pour le Maroc, celui de Khaled AL Dosari laisse dubitatif. Il semble que chaque année, nous avons droit à l'annonce d'un investissement hors norme qui s'avère n'être qu'un mirage.