L’un des moments les plus importants de notre Histoire d’Humains ne fût-il pas celui où nous avons enterré nos morts, lorsque nous avons pris conscience que ces morts, s’ils avaient vécu, une place devait leur être faite, ici-bas… Pour se souvenir d’eux, pour ce qu’ils nous transmettent, mais aussi pour qu’il existe un lieu où leur rendre le culte qu’ils méritent. Et pouvoir s’en retourner vers le monde des vivants… Moment capital. Naissance de la Société et de la Culture.
Ainsi, de la manière dont nous traitons nos morts avons-nous appris à traiter les vivants… Et de la manière dont nous considérons nos vivants, pouvons-nous traiter nos morts.
La rupture
Alors, des corps de morts, des cadavres, enveloppés dans des sacs de plastiques noirs, entassés au fond d’une benne à ordures… Que cela peut-il signifier d’autre qu’un instant de rupture avec ce rapport de haut respect pour nos morts, - nos anciens vivants - en ce qu’ils nous constituent en tant qu’Humanité où la Mort, seule, donne son sens à la Vie. Faisant du mort un Défunt… Non un cadavre.
C’est pour cela que les morts ne sont pas faits pour être jetés, à l’arrière des bennes, dans des fosses communes, ou pire, des charniers. Et c’est pour cela qu’il y a, dans l’image d’un mort, sans visage, sans nom, sans personne pour le traiter comme l’Humain qu’il a été, oui, il y a dans cette image de corps emballés, prenant la place des ordures, quelque chose de l’ordre d’un moment de Ruine, ruine de l’Humanité, ruine de la Société, et ruine de la Culture.
Il se passe là une chose affreuse, destructrice, et dès lors, inacceptable. Une chose à laquelle il nous interdit de consentir… Et sur laquelle il nous faut demander des comptes. Car ceux qui ont vécu ne doivent pas être jetés !