«Depuis 10 ans, reconnaît Zahra Maafiri, DG de Maroc Export, dans une interview accordée à Usine Nouvelle et publiée le 24 octobre, le marché russe est notre premier marché d’agrumes.» En février dernier, l'Association des exportateurs d'agrumes au Maroc (Aspam) annonce même qu’elle envisage de tripler ses exportations vers la Russie d'ici 2018. Dans ce contexte, l’embargo russe sur les produits agricoles européens, cet été, n’a donc fait que renforcer les espoirs. «Des amis russes nous ont contacté pour nous informer de la nouvelle avant qu’elle ne soit rendue publique. Nous nous préparons donc à offensive», déclarait Hassan Sentissi El Idrissi, président de l’ASMEX et du Conseil d'affaires maroco-russe aux Echos, début août. Depuis, les espoirs de la filière semblent avoir été douchés.
Les ventes d’agrumes sur le marché russe ont effectivement augmenté de 39,4% entre 2013 (chiffres Office des Changes) et 2014 (données de l’EACEE), pour atteindre 350 400 tonnes. Preuve que les producteurs marocains sont parvenus à exporter en dépit des contraintes liées au nombre réduit de lignes maritimes reliant le Maroc et la Russie. Cependant, «le marché russe passe pour être consommateur de variétés de moyenne et bas de gamme. Il est donc moins rémunérateur et plus soumis à la concurrence turque et égyptienne. Il y a donc un accroissement des quantités vendues, mais pas nécessairement des prix», précise Najib Akesbi, agro-économiste à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat.
Baisse des prix à la tonne
Les prix de vente des agrumes marocains de l’hiver 2013 sur les marchés étrangers ne sont encore que partiellement connus, mais sont édifiants. Le prix à la tonne s’établissait à 7560 dirhams (6183 dh sur l’ensemble de l’année) entre janvier et août 2013, elle s’établit, sur la même période cette année, à seulement 6217 dirhams, selon les statistiques de l’Office des changes, pour un volume d’exportation total en augmentation de 13% sur la période. «Nous avons eu des problèmes de qualité dû à des problèmes de climat », reconnaît seulement Ahmed Derrab, secrétaire général de l’Association marocaine des exportateurs d'agrumes.
«Le mode de consignation du marché russe est très défavorable aux exportateurs, surtout pour le marché russe. D’un point de vue pratique, il est difficile d’imaginer un exportateur marocain décider en plein hiver que les prix proposé par les Russes pour ses marchandises ne le satisfont pas et donc de les faire envoyer vers un autre marché nécessairement éloigné de milliers de kilomètre », note Najib Akesbi. Par marché de consignation, il faut comprendre un marché où les produits qui vont y être vendus sont consignés avant d’être proposés à la vente. C’est-à-dire qu’un exportateur envoie ses produits sans savoir à qui et à combien, précisément, il les vendra.
Perpective négative pour la Russie
Les Marocains ont également enregistrés des délais de paiement «jamais enregistrés par le passé: entre 10 et 12 mois », selon l’Economiste. Rien d’étonnant, puisqu’en avril 2014, la Coface à ajouté une perspective négative à la note B (quand le Maroc a la note A4) attribuée au risque pays de la Russie, c'est à dire au risque de défaillance de ses entreprises, à la probabilité qu’elles ne soient pas en mesure de rembourser leurs dettes.
Petits prix, exportateurs captifs, et délais de paiement exorbitants. Les producteurs d’agrumes marocains ne tiennent plus la Russie pour un eldorado. «Cette année, le volume de clémentines destiné au marché russe ne dépassera pas les 130 000 tonnes contre 200 000 réalisées la campagne passée», selon l’Economiste. Faudra-t-il se rabattre sur les parts de marchés perdus auprès de l’Union européenne ? Pour l’heure, les exportateurs marocains s’organisent pour ne plus renouveler cette difficile expérience. «Nous avons mis en place un nouveau système de gestion des exportations, notamment vers la Russie. La prochaine campagne devrait être meilleure, dans la mesure où de nouveaux plants arrivent à maturité cette année», assure, confiant, Mohamed Derrab.