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Grand Angle

Maroc : Les trésors fossiles d'Erfoud en danger

Les fossiles préhistoriques d’Erfoud dans la région Meknès-Tafilalet constituent un trésor de premier ordre pour les scientifiques. Sauf que ces objets de valeurs sont aujourd’hui menacés par la surexploitation, la multiplication des salles d’expositions et les ventes sauvages. Des universitaires ont tiré la sonnette d’alarme contre ce phénomène et demandent aux autorités marocaines des créer "des réserves écologiques" pour protéger ce patrimoine.

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Le Maroc regorge de fossiles à forte valeur scientifique. Dans certaines régions du pays, ces objets constituent un véritable trésor pour les habitants ainsi que nombreux scientifiques et touristes. Seulement, ils sont confrontés à une surexploitation et une vente sauvage, explique l’AFP dans un reportage réalisé à Erfoud. Cette petite ville abrite dans sa palmeraie des maisons traditionnelles où sont conservés le squelette d'une créature pétrifiée préhistorique. Cette énorme ammonite est l'une des centaines de trésors archéologiques de la ville de 30.000 habitants, que les géologues et les archéologues ont appelé "le plus grand musée de fossiles en plein air dans le monde".

Cette appellation est pourtant loin d’être fortuite. "Au cours de l'ère paléozoïque - il y a environ 540 à 250 millions d'années - le sud-est du Maroc était sous la mer", rappelle à l’AFP Abdelmajid Massoudi, qui dirige une boutique de souvenirs dans la ville. D’où la présence de nombreux fossiles préhistoriques à Erfoud.

"Près de 500 variétés de fossiles répartis sur 100 km2"

Cette zone abrite actuellement "près de 500 variétés de fossiles répartis sur 100 kilomètres carrés", y compris les trilobites, qui sont âgés de 410 à 500 millions d'années, précise à l’AFP un collectionneur local Abdeslam Kassmi. Mais malgré cette abondance en fossiles, les scientifiques s’inquiètent de la sur-excavation et du laxisme des contrôles sur les ventes fossiles, ce qui pénalise gravement le patrimoine archéologique et culturel de la ville.

Dans cette petite région, lorsque l’exposition dans le musée de la ville prend fin, les artisans se lancent dans un travail sans relâche, "pour couper, tailler et polir les fossiles tirés du sol". Ensuite, souligne la même source, ils transportent ces blocs de pierre d'une carrière à la périphérie de la ville. C’est là qu’ils "les coupent en morceaux, puis les artisans les sculptent en divers objets tels que des fontaines, des baignoires et même des tables", souligne Massoudi.

Un commerce lucratif

Auparavant, la région n’était pas réputée pour ses fossiles, mais beaucoup plus pour ses dattes. Ces dernières années, le commerce des fossiles est devenu un autre moyen de se faire des revenus pour les habitants. Il permet également d’attirer les touristes, dont certains cherchent à agrandir leurs collections préhistoriques. Ibrahim, un des artisans, âgé de 60 ans, a passé la moitié de sa vie à sculpter des fossiles. Pour lui, ce travail nécessite "du temps, de la dextérité et de la patience". "Vous avez besoin de travailler lentement afin de ne pas endommager ces pièces, qui sont souvent très précieuses. Travailler sur une seule pierre peut prendre jusqu'à 20 heures", explique-t-il à l’AFP.

En plus du musée d’Erfoud, plusieurs autres bâtiments abritent certains des plus vieux fossiles et les plus rares de la ville. Dans un de ces véritables trésors, Kassmi y garde jalousement des dizaines d'articles. Leur valeur est difficile à estimer. Alors que certains des plus petits morceaux sont disponibles à l'achat, - avec des prix commençant à environ 300 euros - d'autres font partie de la collection privée de Kassmi qu'il a établie comme "un héritage pour, dit-il, les générations à venir".

Ville célèbre, mais sans véritable développent scientifique

Parmi les fossiles qui racontent l'histoire préhistorique de la région, figurent des squelettes pétrifiés de dinosaures datant de 65 millions d'années ainsi que les restes solidifiés de tortues et de crocodiles. Mais ces joyaux historiques sont aussi en danger, déplore Lachen Kabiri, professeur à l'Université d'Errachidia. Kabiri indique qu’"Erfoud est célèbre mais son développement scientifique" fait encore défaut. Ce professeur demande aujourd’hui aux autorités de créer des "réserves écologiques" et de redoubler d'efforts pour traquer et retrouver les richesses antiques volés d’Erfoud.

Pourtant, bien avant cet appel, l’UNESCO avait déclaré que le désert du sud-est du Maroc fait partie d'un réseau de réserves de biosphère protégées. En plus, un accord datant de 1970 interdit également l'importation et l'exportation illicites des biens culturels dans ces domaines. Pour sa part, le royaume a voté une loi qui interdit également le commerce illicite, sans mentionner clairement les fossiles. A ce jour, certains fossiles se retrouvent dans les bazars dans le sud-est du Maroc, et même dans des villes comme Marrakech. Malheureusement pour le royaume, une grande partie finit dans des musées en Europe et en Amérique du Nord.

Reportage AFP

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