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Grand Angle

La vie des migrants subsahariens au Sud est un peu meilleure qu’ailleurs au Maroc

Les Subsahariens qui travaillent à Dakhla et Laâyoune vivent dans de meilleurs conditions qu’à Tanger ou Casablanca, révèle le rapport d’observation publié aujourd’hui par plusieurs associations de défense des droits des migrants. Cependant, seulement 26 demandes de régularisations y ont été acceptées sur 1037 dossiers déposés. Ceux qui tentent de passer en Espagne sont également arrêtés et déplacés comme dans le Nord.

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A Dakhla, un cimetière de fortune accueille les migrants non identifiés morts en mer en tentant le passage vers les îles Canaries. (photo tirée du rapport)
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Les conditions de vie des Subsahariens qui sont installés dans le Sud du Maroc sont meilleures que dans le reste du pays, mais elles ne leur ont pas permis de bénéficier en proportion de l’opération exceptionnelle de régularisation, constate le rapport «Situation des migrants dans le sud du Maroc», rendu publique aujourd’hui, lundi 20 octobre, au terme d’une mission d’observation conjointe des associations : Alecma, Conseil des communautés subsahariennes au Maroc, Gadem et mission catholique de Nouadhibou.

Depuis le lancement de la nouvelle politique migratoire une coupure s’est opérée peu à peu entre le nord et le sud du Maroc. Au nord, les tensions sont fortes. Si les arrestations et les expulsions de masse ont cessé dans la périphérie de Tanger, les migrants qui tentent la traversée à partir de Tanger, Sebta ou Melilla sont toujours arrêtés et déplacés et sont mêmes parfois expulsés par avion. Un peu plus au centre, à Casablanca et Rabat, la nouvelle politique migratoire s’exprime plus visiblement. Les arrestations ont cessé. Des tentatives pour intégrer les Subsahariens ont lieu, notamment à l’école.

Ils travaillent dans les usines de poissons

Au sud, la situation des Subsahariens est restée méconnue, malgré la situation litigieuse de la région avec la frontière mauritanienne et la proximité des îles Canaries. Depuis les années 2000, voire plus longtemps, des Subsahariens se sont installés à Dakhla. «Ils travaillent surtout dans les usines de transformation des produits de la pêche («les frigos»), la construction, l’hôtellerie/restauration (dans le tourisme surtout) et le commerce ambulant (notamment dans la vente de téléphones portables). Ils travaillent aussi dans l’élevage où ils sont bergers. Certaines femmes travaillent également à l’usine. D’autres font le ménage dans les hôtels, les campings ou les foyers marocains», nous apprend le rapport.

Même s’ils sont arrivés au Maroc dans la perspective de trouver un travail ou de passer en Espagne, comme ceux qui vivent dans le reste du pays, ils sont moins souvent en situation irrégulière qu’eux. La majorité entre régulièrement au Maroc par la frontière terrestre avec la Mauritanie «sans visa d’entrée pour ceux qui en sont dispensés (comme les ressortissants du Sénégal, de la Côte-d’Ivoire, de la Guinée et du Mali), soit en possession d’un visa touriste valable 3 mois (notamment les Mauritaniens)», précise le rapport.

Meilleurs accès aux services publiques

Ceux-là se donnent généralement la peine d’effectuer des aller-retours en Mauritanie pour renouveler leur visa. «Contrairement aux migrants installés dans les villes plus au Nord pour lesquels un aller-retour à la frontière est pratiquement infaisable, la majorité des personnes installées à Dakhla, Boujdour et Laâyoune, fait tous les 3 mois le trajet d’environ 380 km à partir de Dakhla, d’environ 700 km à partir de Boujdour et de plus de 850 km à partir de Laâyoune », ont constaté les associations.

Alors qu’au centre et au nord du pays, les Subsahariens rencontrent souvent plus de difficultés que les Marocains pour avoir accès à la santé ou l’éducation, «il semblerait que les migrants vivant dans le Sud aient moins de difficultés à se procurer leurs documents d’état civil auprès des administrations », ont-elles constaté. Il en va de même pour l’accès aux hôpitaux, à l’école et au logement à Dakhla, Boujdour et Laâyoune. Si plusieurs témoins rapportent des cas d’insultes, de discriminations voire d’agressions physiques ou encore l’indifférence de la police face aux injustices subies par certains Subsahariens, le racisme serait moins prégnant qu’ailleurs au Maroc car, notamment, «la plupart des migrants à Dakhla, Laâyoune et Boujdour sont dans une situation moins précaire que dans les autres villes ; la plupart d’entre eux travaille», indiquent les associations.

26 demandes de régularisations acceptées sur 1037

Les Subsahariens installés dans le Sud vivent donc en moyenne mieux qu’ailleurs au Maroc, mais ils n’ont pas eu pour autant un meilleur accès à l’opération exceptionnelle de régularisation, bien qu’elle ait précisément pour but d’accélérer l’intégration de ceux qui veulent s’installer dans le royaume. L’administration a conservé une lecture étroite et absurde des critères de régularisation. Les Mauritaniens, par exemple, qui se sont donnés la peine de faire des aller-retours tous les trois mois pour rester en situation régulière, se sont vu mécaniquement refuser toute régularisation, puisque les critères exigent une résidence continue de 5 ans, même s’ils ont vécu au Maroc la quasi-totalité de ces 5 ans et que leur famille y est établie.

Par conséquent, «selon les informations concordantes de la CRDH, du bureau des étrangers et d’un responsable d’une association de migrants, à la date du 5 septembre, sur 488 demandes déposées au bureau des étrangers de Dakhla, seules 14 avaient reçu une réponse positive », rapportent les associations. 12 demandes ont également été acceptées à Laâyoune, pour 549 demandes déposées. Certes la commission des recours pourrait étudier certains cas mais le dossier «doit être déposé auprès de la Commission de recours à Rabat et il ne peut être envoyé que par courrier, précise le rapport, […] la plupart [n'ont] pas les moyens de se rendre à Rabat. »

Depuis les années 2000, le nombre de tentatives d’immigration clandestine vers les Canaries s’est effondré, mais certains migrants marocains et subsahariens continuent d’essayer de passer en Espagne. Ils étaient 4767 en 2005, 31 678 en 2006, pour seulement 196 en 2013. Comme à Tanger, aujourd’hui, ceux qui tentent l’émigration irrégulière vers l’Espagne, sont systématiquement arrêtés et retenus, hors de toute procédure administrative régulière. «Jusqu’en septembre 2013, les personnes arrêtées et enfermées au centre de détention de Laâyoune étaient ensuite refoulées à la frontière mauritanienne […]. Depuis, elles font l’objet de déplacement forcé vers Rabat», indiquent les associations.

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