C’est un véritable réquisitoire que le roi a adressé aux travaux des Nations Unies. Un message qui n’est pas sans rappeler, par sa défense des pays africains à la fois contre le colonialisme, les institutions financières internationales et les agences de notation, les allocutions prononcées par les leaders des pays non alignés, vers la fin des années cinquante et soixante, à cette même tribune des Nations Unies.
«Le colonialisme a causé de grands préjudices»
Laissant de côté le language diplomatique, le roi a vivement dénoncé le colonialisme coupable d’ «entraver le processus de développement pendant de longues années» des pays qui ont eu le malheur de subir sa tutelle. «Il a exploité leurs richesses et les potentialités de leurs enfants, tout en altérant en profondeur les coutumes et les cultures respectives de leurs peuples», a-t-il souligné.
Pire encore, le colonialisme, ajoute le souverain, «a instillé les ferments de la division entre les composantes d’un même peuple, et planté les germes du conflit et de la discorde entre les Etats du voisinage». Compte tenu de cette réalité, le roi, en avocat de l’Afrique, exige des colonisateurs d’assumer leur part de responsabilité historique dans la situation difficile et dramatique que traversent les anciennes colonies.
Les institutions financières et les agences de notation dans le même sac
Compte tenu des «effets pervers» du colonialisme, le monarque assure dans son message que les occidentaux «n’ont pas le droit d’exiger des pays du Sud, un changement radical et rapide selon un schéma étranger à leurs cultures, leurs principes et leurs atouts propres». Et pour le roi, ils «s’obstinent à leur imposer des conditions drastiques qui entravent leur évolution naturelle vers le progrès». Le message s’adresse, également, aux institutions financières internationales qui prescrivent la même recette pour l’ensemble des pays en voie de développement.
Le Maroc est d'ailleurs assujetti à la même règle. «Ils exigent des Etats du Sud qu’ils réalisent la stabilité et le développement dans des délais très limités, selon des modalités déterminées qui leur sont imposées sans tenir compte des parcours respectifs et des particularités nationales de ces Etats», déplore le souverain. Sur ce point, le roi a eu le mérite d’exprimer tout haut, et depuis la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, ce que bon nombre de chefs d’Etats africains pensent tout bas.
Après le colonialisme et les institutions financières, c’est au tour des agences de notation de subir la foudre royale. Mohammed VI a déclaré que leur mode opérationnel «suscite des interrogations». Nullement convaincu par leur méthode de calcul, il a précisé que «ces critères ont montré leurs limites et, souvent, leur décalage par rapport à la réalité des Etats du Sud».
Et ce n’est pas tout. «Leur incapacité à présenter une image objective sur le niveau de développement humain dans ces pays». Depuis New York, le roi est revenu sur sa proposition d’intégrer le critère du capital immatériel dans la mesure et le classement des richesses des nations. En résumé, un joli pavé dans la marre.