Cinq mois à peine après avoir été recruté à Cannes, l’imam Saïd Nait Ouaziz se retrouve déjà à la porte. Le religieux, âgé de 34 ans, avait, en effet, été embauché en avril dernier, pour l’ouverture de la nouvelle mosquée du quartier La Bocca. Selon le journal local Nice Matin, qui rapporte l’information ce vendredi, celui-ci a été licencié il y a une dizaine de jours à cause d’un prêche prononcé le 15 aout dernier, jugé trop politique par une partie de la communauté musulmane et les dirigeants de la mosquée.
«Il a évoqué la Turquie, l'Égypte, fait l'éloge du président turc Erdogan qui venait d'être élu, et de l'Égyptien Mohamed Morsi, proches des Frères musulmans ; il a descendu en flamme le général Al-Sissi», raconte un des fidèles ayant assisté à la prière ce jour-là. «Bref, un discours très politique et très virulent qui a surpris ou choqué beaucoup de gens», a-t-il ajouté.
«Beaucoup trop loin»
Même son de cloche du coté du directeur du lieu du culte. «Il est allé beaucoup trop loin», déplore Redouane Aichfakir. «Il a même déclaré qu'Erdogan et les Turcs ont donné une leçon de démocratie à la France et à l'Occident. Bref il a confondu la mosquée avec une tribune politique, ou l'antenne de BFM TV ou d'Al-Jazeera. Ce n'est pas acceptable. Ici, les fidèles viennent pour entendre parler de religion, pas de politique», a-t-il souligné dans une déclaration au même journal.
Selon ce dernier, l’imam a d’abord été mis à pied. Mais après qu’il a refusé de revenir sur ses propos et de «se limiter» dorénavant à des prêches religieux, la décision de son licenciement était irrévocable. Surtout que le cheikh Saleh Kamel, le donateur saoudien qui a financé la construction de l'édifice, à hauteur de 2 millions d’euros, n’a pas apprécié ses propos, notamment en ce qui concerne le président égyptien Al-Sissi, reçu en grande pompe par la famille royale saoudienne, dont il est très proche, quelques jours seulement auparavant.
«On ne comprend plus rien»
Le principal intéressé, lui, dément toute intention de prêcher des discours politiques à la mosquée. «Le prêche du 15 aout où j’ai parlé de l’élection du président turc Erdogan, n’était pas une campagne. Je ne suis pas turc, je ne suis pas payé par les autorités turques pour parler de cet homme. J’ai juste parlé de son élection qui m’a réjouie, qui m’a fait plaisir du moment que c’était un homme loyal qui a été élu démocratiquement. Je n’ai fait que souligner ça», explique-t-il dans un entretien accordé à France 3.
«Aussi, j’ai parlé de l’injustice subie par les Egyptiens de la part du général Sissi qui a pris le pouvoir comme on le sait via un putsch… Si dénoncer l’injustice c’est de la politique, alors on ne comprend plus rien», regrette-il.
Avis divisés sur les réseaux sociaux
Du coté de la communauté musulmane locale, les avis sont partagés. Si la majorité des fidèles ne semblent point regretter le départ de Saïd Nait Ouaziz, d'autres dénoncent, notamment sur les réseaux sociaux, la volonté de «museler» la parole de l'imam.
«Si les non-musulmans ne souhaitent pas qu'on aborde des sujets politiques, c'est pour endormir les musulmans», peut-on lire, entre autres. «Cela vient de gens qui ne sont pas Cannois», riposte Redouane Aichfakir. «M. Bougrone (Ndlr : Président de l’Association des musulmans du bassin cannois) assurera l'intérim pour le prêche du vendredi jusqu'à ce que nous retrouvions un imam, ce qui devrait être très rapide», promet le directeur de la mosquée. Les musulmans de Cannes-La Bocca devront donc patienter encore quelques jours pour découvrir qui sera choisi pour remplacer leur ancien imam.