Abou El Kassim Britel ne s’imaginait pas vivre 9 ans de galère pour rien. Cet Italien originaire du Maroc a été arrêté au Pakistan, en mars 2002, après les attentats du 11 septembre 2001 alors qu’il s’y rendait pour étudier l’Islam. Dans un reportage réalisé par France 24, il est revenu sur l’enfer qu’il a vécu pendant les neuf années de sa détention à tort. «Je me réveille et je reviens dix ans au passé», explique l’homme aujourd’hui sans travail, obligé de rester à son domicile à Bergame pour effectuer quelques tâches ménagères.
Emprisonné au Pakistan, il a subi la torture des Américains pendant plusieurs jours. Ces derniers ont tenté un drôle de chantage pour obtenir ce qu’ils voulaient. «Tu nous dis où se cache Ben Laden et on te donne une voiture et tout ce que tu veux», lui auraient-ils demandé en vain. El Kassim sera finalement transféré au Maroc à bord d’un vol secret de la CIA (identifié plus tard par une commission d’enquête du parlement européen) qui a quitté les Etats-Unis pour atterrir à Rabat, le 25 mai 2002. «Quand l’avion a atterri, il y a quelqu’un qui disait ’’doucement, doucement’’, avec un accent marocain… j’ai compris que j’étais au Maroc», se rappelle l’ex-détenu. Il sera transféré en quelques minutes à Temara où il a subi beaucoup de «tortures psychologiques» avant d’être libéré au bout de huit mois.
Arrêté à nouveau après les attentats de Casablanca
Mais cette sortie de prison ne durera pas longtemps. Le 16 mai 2003, El Kassim sera à nouveau interpellé lorsqu’il tente de rentrer en Italie en passant par la frontière avec l’Espagne. Le même jour, les attentats de Casablanca ont secoué le Maroc. Sans obtenir de preuves de son implication dans les événements, il sera incarcéré à Temara et placé en «isolement total pendant 4 mois». En octobre de la même année, il sera jugé et condamné à 15 ans de prison. Peine qui sera réduite à neuf ans en appel. L’homme explique les raisons de cette condamnation par le fait qu'il a signé des papiers sans en savoir le contenu. Ce qui sera considéré comme des aveux. Le 14 avril 2011, il bénéficie finalement d’une grâce royale. Il accuse aujourd’hui le Maroc de l’avoir emprisonné pour «se gagner les faveurs des Etats-Unis et de l’Italie».
La justice italienne finit aussi par l’innocenter à son retour. Un des personnages publics à avoir pris sa défense revient sur le calvaire vécu par El Kassim. «Les gens ont tendance à se méfier quand il s’agit d’une personne de race... enfin d'origine différente, même s’il est italien», explique l’ancien maire de Bergame, Bruno Brini, ajoutant que le cas El Kassim est «une véritable injustice». L’ancien détenu lui, n’a reçu ni excuse ni indemnisation de la part de l’Etat italien.
Sa femme a voyagé trente fois au Maroc pour sa libération
Lors de son emprisonnement, El Kassim a surtout bénéficié du soutien indéfectible de sa femme, Anna Pighizzini, qui a voyagé une trentaine de fois au Maroc pour obtenir sa libération. Cette italienne convertie à l’islam, a écrit plusieurs fois aux autorités italiennes pour obtenir gain de cause. Finalement, la grâce viendra du pays d’origine de son mari. Ce dernier est aujourd’hui un homme sans emploi, se contentant de vendre quelques accessoires après la prière de vendredi dans la banlieue de Bergame.
Pourtant, à plusieurs milliers de kilomètres, il bénéficie du soutien de quelques activistes qui résident en Caroline du Nord et qui ne l’ont jamais vu. Dirigés par Christina Carrager, un professeur de Biologie, ils brandissent des photos d’El Kassim dans les lieux publics et demandent des investigations sur son cas. Une coalition de groupes chrétiens a même lancé une campagne pour demander aux gouvernements américain, italien, pakistanais, et marocain de présenter des excuses à l’ancien prisonnier.